Extraits pertinents :

[6]   Le 13 août 2012, le travailleur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la CSST rendue le 31 juillet 2012 à la suite d’une révision administrative.

[7] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a rendue le 3 juillet 2012 et déclare que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle sous la forme d’une récidive, rechute ou aggravation le 23 avril 2012 et qu’il n’a pas droit à des prestations en vertu de la loi.

[8] La Commission des lésions professionnelles tient des audiences à Drummondville le 31 octobre 2012, les 29 et le 30 janvier 2013 ainsi que le 18 juin 2013. Le travailleur est présent et il est représenté par un avocat. Transport Georges Léger (l’employeur) n’est pas présent de même que le séquestre Ernst & Young. La CSST est présente et elle est représentée par une avocate. Avec approbation du tribunal, les procureurs des parties ont déposé des argumentations écrites. Les dossiers sont mis en délibéré le 20 août 2013, date à laquelle le tribunal a pris connaissance de l’ensemble des documents transmis par les procureurs.

[12] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer irrecevable la preuve vidéo, les rapports de surveillance et le rapport d’enquête déposés par la CSST.

[13] Le travailleur est camionneur lorsqu’il se blesse le 25 avril 2004 lors d’un accident de la route aux États-Unis. Un médecin constate des blessures multiples. Il recommande un arrêt de travail et il suggère un suivi médical.

[17] Le 19 mars 2008, le travailleur consulte le docteur Richard R. Delisle, neurologue, qui envisage la possibilité d’un diagnostic de fibromyalgie devant la multiplicité des douleurs du travailleur. Il conclut à la vraisemblance de céphalées cervicogéniques et peut-être à une fibromyalgie surajoutée. Il recommande un traitement avec des neuromodulateurs.

[18] Le 19 novembre 2009, le docteur Frédéric Morin, rhumatologue, examine le travailleur. À l’examen physique, 10 des 18 points de fibromyalgie sont positifs. Il y a une douleur exquise à la palpation de l'apophyse xiphoïde et des insertions costochondrales. Le médecin conclut à des éléments compatibles avec une fibromyalgie post-trauma physique.

[20] Le docteur Parent opine que la condition du travailleur, l’évolution de ses symptômes et l'examen clinique du patient correspondent aux critères reconnus pour établir le diagnostic de fibromyalgie. Il relie cette condition à la lésion professionnelle sur le plan temporel, les symptômes ayant débuté après l'accident de la route. Lors de son examen clinique, le docteur Parent retrouve 12 points de fibromyalgie. Il ajoute qu’aucun phénomène inflammatoire ni aucune lésion neurologique ne peuvent expliquer la symptomatologie du travailleur.

[26] Le 14 septembre 2010, le docteur Mathieu prend connaissance de l’expertise médicale du docteur Parent et il donne son consentement aux conclusions exprimées par le médecin désigné par la CSST.

[27] Le 22 septembre 2010, la CSST avise le travailleur que son dossier est dirigé à une conseillère en réadaptation étant donné les conclusions du docteur Parent au sujet de sa capacité de travail.

[28] Le 27 septembre 2010, la CSST laisse un message téléphonique à une personne se présentant comme étant la réceptionniste du motel. Cette dernière mentionne que la gérante du motel est la conjointe du travailleur. L’intervenante de la CSST procède à une vérification des numéros de téléphone via l’internet. Elle note que les numéros de téléphone et les adresses correspondent à celui du « Motel le Victo » et du restaurant « L’âge de Pierre » et que ces données sont les mêmes pour les deux commerces.

[29] Le même jour, l’agente de la CSST communique avec le travailleur au sujet de l’évaluation du docteur Parent. Le travailleur exprime son sentiment d’inemployabilité en raison de son diagnostic de fibromyalgie. Questionné au sujet de la similitude de son numéro de téléphone avec celui d’un motel et d’un restaurant, le travailleur explique qu’il habite le motel où sa conjointe est gérante ce qui lui permet d’économiser en dépenses d’habitation. Il ajoute que sa fille habite sa maison, mais c’est lui qui conserve le titre de propriété. Sa fille assume les frais d’entretien de la maison. D’autre part, c’est aussi sa fille qui est propriétaire du restaurant. Pour ce qui est du motel, le propriétaire est un Français habitant en France. Pour sa part, le travailleur informe l’agente de la CSST qu’il ne travaille pas et qu’il n’aide pas sa femme. Le travailleur ajoute qu’étant donné sa formation de cuisinier, il a déjà été propriétaire d’un restaurant à Victoriaville de 2006 à 2008. Toutefois, à la suite de son accident, il a dû déclarer faillite, car il n’était plus en mesure d’opérer cet établissement.

[32] Les intervenantes de la CSST proposent au travailleur de participer à un programme de gestion de la douleur chronique. Le procureur du travailleur l’encourage à accepter cette offre. Il est convenu que le travailleur évaluera la proposition de la CSST et fera part de sa décision ultérieurement.

[33] Le 19 novembre 2010, le travailleur donne son accord afin de participer à un programme de gestion de la douleur chronique. L’avocat du travailleur est aussi de cet avis. Quelques jours plus tard, une demande d’évaluation est transmise à L’équipe Entrac située à Québec.

[35] Le 21 décembre 2010, la conseillère en réadaptation rappelle la conjointe du travailleur. Différents sujets de discussion sont abordés. La conjointe du travailleur exprime beaucoup de frustration envers la CSST. Puis, le travailleur poursuit la conversation en exprimant lui aussi ses doléances. La conseillère note que le travailleur profère des insultes à son endroit. Le travailleur finit par raccrocher la ligne affirmant ne plus avoir rien à dire.

[39] Le 14 janvier 2011, le travailleur informe la conseillère qu’il ne souhaite pas participer au programme offert par L’équipe Entrac à Québec. Il veut suivre ses traitements à Victoriaville. La conseillère exprime sa déception devant le refus du travailleur puisque l’équipe de Québec se spécialise dans les cas de fibromyalgie. Elle met fin à la conversation en expliquant au travailleur qu’elle discutera de son dossier avec sa gestionnaire.

[40] Le 31 janvier 2011, madame Danielle St-Pierre, gestionnaire à la CSST, demande une enquête à la Direction des enquêtes spéciales de la CSST au sujet du travailleur. Une dénonciation à la CSST précise que le travailleur travaillerait comme cuisinier au motel dirigé par sa conjointe. Madame St-Pierre fournit quelques détails concernant le travailleur, notamment son discours porté sur l’invalidité, sa réticence à participer à un programme de développement des capacités et une expertise dirigeant la CSST vers une décision d’inemployabilité.

[43]  Selon un relevé du 21 février 2011 du Registraire des entreprises du Québec, la compagnie 9210-8117 Québec inc., faisant affaires sous le nom L’âge de Pierre est située au 1221 rue Notre-Dame Ouest à Victoriaville. Le travailleur est le troisième actionnaire de la compagnie et il est un administrateur de la compagnie.

[47] Le 21 mars 2011, monsieur Mario Lainesse, enquêteur à la Direction des enquêtes spéciales à la CSST, procède à une demande de filature du travailleur auprès de la firme Chartrand, Fortin, Labelle Solutions inc.

[48]  L’enquêteur de la CSST fournit quelques informations à la firme d’enquête, notamment sur le lieu de résidence du travailleur de même qu’au sujet des propriétaires du motel et du restaurant. Les limitations fonctionnelles du travailleur sont énumérées de même que les sites de douleur allégués par ce dernier. L’enquêteur demande que les capacités physiques du travailleur soient documentées de même que ses activités rémunératrices. Le contrat abrégé est annexé à la demande. De plus, le contractant est invité à prendre connaissance du guide d’utilisation de la filature vidéo de la CSST de même que du guide sur l’éthique et la discipline de la CSST.

[49] Une filature du travailleur est réalisée les 24, 25 et 26 mars 2011.

[60] Une filature du travailleur est réalisée les 12, 13 et 14 juin 2011.

[63] Une filature du travailleur est réalisée les 6 et 7 juillet 2011

[64] Le 7 juillet 2011, la conseillère en réadaptation s’enquiert auprès du travailleur des motifs de son absence à son traitement de physiothérapie. Il lui fait part de l’augmentation de ses douleurs et de la nécessité de la prise de Démérol. L’agente lui rappelle que ses indemnités de remplacement du revenu peuvent être suspendues en l’absence d’un billet médical. Le travailleur se fâche et c’est sa conjointe qui poursuit la conversation. Le ton de la conversation monte. Il est question d’abus de pouvoir et d’une plainte auprès du supérieur de l’intervenante qui met fin à l’appel.

[71] Le 25 novembre 2011, le docteur Parent transmet à la CSST un avis modifié à la suite du visionnement d’une vidéo portant sur les capacités fonctionnelles du travailleur et de la lecture d’un rapport d’enquête. Après une brève description des images, le docteur Parent mentionne que celles-ci ne correspondent pas à un patient qui prend une médication telle que celle décrite lors de son expertise. Il note que le travailleur s’exprime tout à fait normalement, qu’il ne présente aucun ralentissement psychomoteur, qu’il agit de telle façon qu’il ne présente, apparemment, aucun effet adverse de sa médication telle que de la somnolence ou un ralentissement psychomoteur. Devant ces nouveaux éléments, le docteur Parent opine notamment que le travailleur ne présente aucune limitation fonctionnelle. Il ajoute des commentaires personnels à son opinion[3].

[77] Le 17 avril 2012, le docteur Jean-Maurice D’Anjou, spécialiste en médecine physique et en réadaptation, examine le travailleur en sa qualité de membre du Bureau d'évaluation médicale

Preuve vidéo déposée par la CSST et visionnée lors des audiences

CSST – 1 : DVD du montage vidéo des séquences filmées par les enquêteurs représentant 70 minutes ;

CSST – 2 : DVD d’une durée de 10 minutes 50 secondes portant sur la filature effectuée les 24, 25 et 26 mars 2011 couvrant 34 heures de surveillance;

Sur ce DVD, on y voit notamment le travailleur conduire une voiture et effectuer quelques commissions. Il conduit un véhicule tout terrain (VTT) et il monte sur un tas de neige estimé à 10 pieds pour ramasser une pelle. Il nettoie l’entrée du garage avec un boyau d’arrosage et un balai ;

CSST – 3 : DVD d’une durée de 8 minutes 40 secondes portant sur la filature effectuée les 12, 13 et 14 juin 2011 couvrant 42 heures 30 de surveillance;

Sur ce DVD, on y voit notamment le travailleur effectuer quelques commissions à Trois-Rivières. Il décharge son panier dans le véhicule. Il conduit un véhicule automobile. Il se rend à une clinique de rhumatologie. Il décharge la voiture une fois rendu chez lui. Il est observé alors qu’il transporte un but de soccer ;

CSST - 4 : DVD d’une durée de 8 minutes 43 secondes portant sur la filature effectuée les 6 et 7 juillet 2011 couvrant 29 heures de surveillance;

Sur ce DVD, on y voit notamment le travailleur conduire un véhicule et se rendre à une clinique de physiothérapie. À son retour à la maison, il déplace des sacs de poubelle. Il se penche pour prendre un chien dans ses bras. Il est observé alors qu’il conduit un tracteur pour tondre la pelouse. Il utilise une tondeuse. Plus tard, il fait du vélo sur le terrain du motel.

[126] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le contenu des DVD, les rapports de surveillance et le rapport d’enquête obtenus par la CSST sont admissibles en preuve.

[128]  Dans un premier temps, le tribunal doit analyser le caractère authentique de la preuve vidéo.

[129] Dans l’affaire Résidence Angelica inc. et Desforges[7], la Commission des lésions professionnelles rappelle à bon droit le principe dégagé à ce sujet par la Cour d’appel du Québec :

[146] Dans Cadieux et Le Service de gaz naturel Laval inc.18, la Cour d’appel précise que, pour sa recevabilité, l’authenticité d’une preuve technique s’établit par la preuve de l’identité des « locuteurs », le fait que la preuve est parfaitement authentique, intégrale, inaltérée et fiable et par le fait que les propos soient suffisamment « audibles » et intelligibles.

[147] L’adaptation de ces principes doit évidemment être faite lorsqu’il s’agit de captation d’images.

[134] La preuve se révélant authentique, il y a lieu d’analyser les critères élaborés par la législation et la jurisprudence sur la question de la recevabilité de la preuve obtenue à la suite d’une filature.

[135]  Les articles pertinents en la matière sont prévus à la Charte des droits et libertés de la personne[11] (la Charte) et stipulent :

5. Toute personne a droit au respect de sa vie privée.

9.1Les libertés et droits fondamentaux s'exercent dans le respect des valeurs démocratiques, de l'ordre public et du bien-être général des citoyens du Québec.

[136]  Il y a aussi lieu de considérer les articles 335 et 36 du Code civil du Québec qui se lisent ainsi :

3. Toute personne est titulaire de droits de la personnalité, tels le droit à la vie, à l'inviolabilité et à l'intégrité de sa personne, au respect de son nom, de sa réputation et de sa vie privée.

Ces droits sont incessibles.

35. Toute personne a droit au respect de sa réputation et de sa vie privée.

Nulle atteinte ne peut être portée à la vie privée d'une personne sans que celle-ci y consente ou sans que la loi l'autorise.

36. Peuvent être notamment considérés comme des atteintes à la vie privée d'une personne les actes suivants:

1° Pénétrer chez elle ou y prendre quoi que ce soit;

2° Intercepter ou utiliser volontairement une communication privée;

3° Capter ou utiliser son image ou sa voix lorsqu'elle se trouve dans des lieux privés;

4° Surveiller sa vie privée par quelque moyen que ce soit;

[…]

[139] Suivant les enseignements de la Cour d’appel du Québec[14] dans l’affaire Syndicat des travailleurs (euses) de Bridgestone Firestone de Joliette (CSN) c. Trudeau et Bridgestone Firestone Canada inc., toute surveillance effectuée par un employeur en dehors des lieux du travail n’est pas nécessairement illicite. Bien qu’à première vue, une telle surveillance puisse constituer une atteinte à la vie privée, elle pourra être admise si elle est justifiée par des motifs rationnels et si elle est conduite par des moyens raisonnables, et ce, en conformité avec la Charte.

[141] La Cour d’appel rappelle que le concept de vie privée n’est pas limité géographiquement aux seuls lieux privés, mais aussi aux lieux publics. Ce droit à la vie privée comporte le droit à l’anonymat et à l’intimité. Ce droit n’est donc pas limité aux lieux, mais il suit et se rattache à la personne.

[142]  Si une procédure de surveillance et de filature représente, à première vue, une atteinte à la vie privée, cette atteinte peut se justifier selon ce que prévoit l’article 9.1 de la Charte. Et, reprenant un avis émis par la Commission des droits de la personne du Québec en 1999 concernant la surveillance d’un salarié absent pour raison de santé, la Cour d’appel retient que la surveillance peut être admise si elle est justifiée par des motifs rationnels et conduite par des moyens raisonnables, comme l’exige l’article 9.1 de la Charte. Il ne peut s’agir d’une décision arbitraire.

[145] En résumé, comme le souligne la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Résidence Angelica inc. et Desforges et CSST[15] :

[141] En résumé, lorsque la preuve ne démontre pas une atteinte à un droit garanti par la Charte ou que l’atteinte s’avère admissible en application de l’article 9.1 de la Charte, le premier critère, énoncé à l’article 11 de la Loi sur la justice administrative, n’est pas rencontré et l’analyse exigée par cette disposition s’arrête là. Le tribunal doit alors disposer de la recevabilité de la preuve en application des autres règles dont celle de la pertinence. Il n’a pas l’obligation de se prononcer sur le second critère énoncé dans cette disposition, soit la déconsidération de l’administration de la justice.

[146] Dans le présent dossier, peut-on dire que la CSST disposait d’un motif rationnel, raisonnable et sérieux pour demander qu’une filature du travailleur soit effectuée?

[147] Rappelons que l’enquête de la CSST est entreprise à la suite d’une dénonciation anonyme reçue le 22 décembre 2010 mentionnant que le travailleur occupe un emploi de cuisinier à raison de quatre jours par semaine depuis quelques mois. Certains détails sont précisés rendant crédible cette dénonciation aux yeux de la directrice santé et sécurité de la CSST. D’autre part, il est écrit au dossier de l’organisme et il est à la connaissance des intervenants que le travailleur habite un appartement privé à l’intérieur d’un motel dirigé par sa conjointe et où se trouve un restaurant.

[148] Tel que mentionné par la Cour supérieure du Québec dans l’affaire Eppelé et CSST et Hôpital Santa Cabrini[16]cette information est suffisamment précise et elle est en contradiction avec les informations détenues par la CSST à cette époque de telle sorte que le tribunal est d’avis que la CSST est justifiée de procéder à une vérification plus approfondie.

[151]  Cependant, la Commission des lésions professionnelles considère que ces motifs ne sont valables que pour la première séquence de filature, soit les 24, 25 et 26 mars 2011.

[152] En effet, lors de cette première séquence de surveillance effectuée dans des lieux accessibles à tous, c’est-à-dire à l’intérieur des espaces publics du Motel le Victo et sur les terrains de la propriété de même qu’à proximité d’établissements commerciaux, il apparaît clair que le but de l’enquête est de vérifier les occupations du travailleur à savoir s’il est cuisinier dans un restaurant, plus précisément celui du motel Le Victo en lien avec la dénonciation. D’ailleurs, un des enquêteurs obtient des informations auprès d’un pompiste sur la qualité de la nourriture servie au restaurant L’âge de Pierre. Le pompiste répond par l’affirmative et il précise que le cuisinier est un français. Les enquêteurs louent une chambre au motel et ils discutent avec le personnel cherchant à obtenir la confirmation que le travailleur exerce la fonction de cuisinier. Une discussion a même lieu avec le travailleur lui-même dans le corridor face à la porte de son appartement.

[153]     Toutefois, tel que mentionné par l’enquêteur Labrecque, la filature du travailleur n’a jamais pu démontrer qu’il travaille comme cuisinier. Lors de son séjour au motel, c’est la fille du travailleur qui est cuisinière et il n’a pas vérifié qui la remplaçait lors de ses journées de congé.

[156]  Or, à ce chapitre, la première séquence de la filature effectuée les 24, 25 et 26 mars 2011, pendant 42 heures et 30 minutes, ne fait ressortir que bien peu d’informations. D’ailleurs, il est significatif de rappeler que le DVD ne présente des images que pour 10 minutes 50 secondes captées pendant les 3 journées. Sur ces images, le travailleur est filmé notamment alors qu’il monte sur un monticule de neige pour aller chercher une pelle. Il déplace deux VTT. Il nettoie la salle de bain de l’unité 9, soit celle des enquêteurs. Il nettoie le garage avec un balai et un boyau d’arrosage. Finalement, il conduit une voiture pour faire quelques courses dans des commerces.

[165] Mais, si l’on revient aux principes devant guider le tribunal dans son analyse des motifs raisonnables que doit démontrer la CSST pour justifier son enquête, la Commission des lésions professionnelles ne voit pas comment elle pourrait considérer que de tels motifs existaient après la première séquence de filature. Au surplus, un délai de trois mois s’écoule entre les deux séquences de filature. Ce délai apparaît long aux yeux du tribunal.

[169] En conclusion, la Commission des lésions professionnelles conclut que la surveillance effectuée les 24, 25 et 26 mars 2011 est une atteinte à la vie privée garantie par la Chartemais qu’elle est admissible en application de l’article 9.1 de la Charte puisqu’elle a été effectuée en raison de motifs raisonnables, dans des lieux publics ou accessibles au public et par des moyens le moins intrusifs possible. Dans ces circonstances, puisque le premier critère énoncé à l’article 11 de la Loi sur la justice administrative n’est pas rencontré alors le tribunal n’a pas à analyser le deuxième critère, soit celui de la déconsidération de la justice.

[170] Par ailleurs, le tribunal refuse le dépôt des images captées les 12, 13 et 14 juin 2011 et celles captées les 6 et 7 juillet 2011 par les enquêteurs de la firme Chartrand Fortin Labelle Solutions inc. de même que les rapports de surveillance et le rapport d’enquête de monsieur Lainesse se rapportant à ces périodes puisque la CSST n’a pas fait la preuve qu’elle disposait de motifs raisonnables pour poursuivre son enquête. En l’absence de tels motifs, la Commission des lésions professionnelles n’a pas à se prononcer sur l’atteinte à la vie privée ni sur la déconsidération de l’administration de la justice pour cette partie de l’enquête provenant de la CSST.

 


Dernière modification : le 29 novembre 2017 à 11 h 52 min.