Extraits pertinents : [2] Dans sa déclaration, la demanderesse allègue qu’en juillet 1999, alors qu’elle se trouvait au restaurant «Le Living Room» avec son mari, elle aperçut le «flash» d’une caméra. [3] Elle a indiqué au serveur qu’elle ne voulait pas que sa photo soit prise et/ou publiée. [4] Quelques semaines plus tard, elle a constaté que sa photographie avait été publiée sur un coupon rabais distribué par la société 3099318 Canada Inc. opérant sous le nom de «Val-Pak Outaouais». [5] Elle allègue que sa photo a été publiée sans droit ni autorisation et porte atteinte à son droit à l’image. Résumé de la preuve de la demande a) La preuve générale [18] Elle a communiqué avec le restaurant Le Living Room et on l’a dirigée vers Val Pak Outaouais. Elle s’est adressée à Monsieur Jean-Guy Gorley lui indiquant qu’elle était perturbée par cette publication et lui demandait d’en cesser la distribution. [19] Elle soumet avoir avisé Monsieur Gorley de ses craintes reliées au fait que son ex-conjoint était très violent et qu’il ne savait pas où elle se trouvait. Elle n’aurait reçu aucun support ni sympathie mais plutôt une demande de signer un «waiver» ce qu’elle a refusé. [20] Suite à cette publication, elle soumet avoir été plongée dans un état de choc: «I felt raped because I said no and it still happened». Le droit [80] Le droit à l’image est reconnu par les articles 3, 35 et 36 du Code civil du Québec: 3. Toute personne est titulaire de droits de la personnalité, tels le droit à la vie, à l’inviolabilité et à l’intégrité de sa personne, au respect de son nom, de sa réputation et de sa vie privée. 35. Toute personne a droit au respect de sa réputation et de sa vie privée. Nulle atteinte ne peut être portée à la vie privée d’une personne sans que celle-ci ou ses héritiers y consentent ou sans que la loi l’autorise. 36. Peuvent être notamment considérés comme des atteintes à la vie privée d’une personne les actes suivants: (...) 5° Utiliser son nom, son image, sa ressemblance ou sa voix à toute autre fin que d’information légitime du public. [81] Le droit à l’image est une composante du droit à la vie privée inscrite à l’article 5 de la Charte québécoise[1]. 5. Toute personne a droit au respect de sa vie privée. [85] Dans un arrêt récent de la Cour suprême du Canada, Aubry c. Éditions Vice-Versa inc.[2] la Cour s’exprimait comme suit, quant à la publication d’une photographie prise sans permission: «Ce litige soulève un problème de droit civil et c’est à la lumière de ce droit qu’il doit être résolu. La violation d’un droit consacré par la Charte des droits et libertés de la personne (ci-après la “Charte québécoise”) crée, à l’art. 49 al. 1, un recours pour préjudices moral et matériel. Ce recours est sujet aux principes de recouvrement du droit civil. Par conséquent, les éléments traditionnels de responsabilité, soit la faute, le dommage et le lien de causalité, doivent être établis.»[3] [86] Et plus loin: «Dans la mesure où le droit à la vie privée consacré par l’art. 5 de la Charte québécoise cherche à protéger une sphère d’autonomie individuelle, ce droit doit inclure la faculté de contrôler l’usage qui est fait de son image puisque le droit à l’image prend appui sur l’idée d’autonomie individuelle, c’est-à-dire sur le contrôle qui revient à chacun sur son identité. Nous pouvons aussi affirmer que ce contrôle suppose un choix personnel. Notons enfin que l’art. 36 du nouveau Code civil du Québec, L.Q. 1991, ch. 64, qui ne trouve cependant pas application en l’espèce, confirme cette interprétation puisqu’il reconnaît comme atteinte à la vie privée le fait d’utiliser le nom d’une personne, son image, sa ressemblance ou sa voix à toute autre fin que l’information légitime du public. Puisque le droit à l’image fait partie du droit au respect de la vie privée, nous pouvons postuler que toute personne possède sur son image un droit qui est protégé. Ce droit surgit lorsque le sujet est reconnaissable. Il faut donc parler de violation du droit à l’image, et par conséquent de faute, dès que l’image est publiée sans consentement et qu’elle permet l’identification de la personne. Voir Field c. United Amusement Corp., [1971] C.S. 283.»[4] [88] Il s’agit d’un feuillet d’environ 21 par 9 centimètres très coloré et rempli de publicité où apparaît une petite photographie d’environ 6,5 par 4,5 centimètres de l’intérieur du restaurant. [89] On y aperçoit une personne de dos en premier plan et plus profondément dans le décor on voit un serveur qui est occupé avec deux clients. Les éléments qui attirent nettement l’attention sur le coupon rabais sont les couleurs vives, le logo très coloré, la différence dans le format, des publicités, le style du lettrage et la mention sur une hauteur d’environ un centimètre en rouge, du rabais offert: «1/2 prix». [90] La photographie de la demanderesse vue dans l’ensemble du coupon rabais, ainsi que les quelques personnes au restaurant ou au bar, y sont de façon accessoires et anonymes dans le décor et à peine distinctives. [92] Pour réclamer des dommages au motif que son droit à l’image a été violée, la demanderesse devait établir qu’elle était reconnaissable. Or la preuve présentée par la demanderesse à cet effet n’est pas satisfaisante par prépondérance. [94] La Cour suprême dans l’arrêt Aubry soumet que: «Une autre situation où l’intérêt public prédomine est celle où une personne paraît de façon accessoire dans la photographie d’un lieu public. L’image saisie dans un lieu public peut alors être considérée comme un élément anonyme du décor, même s’il est techniquement possible d’identifier des personnes sur la photographie. Dans cette hypothèse, vu que l’attention de l’observateur imprévu se portera normalement ailleurs, la personne “croquée sur le vif” ne pourra s’en plaindre. La même solution s’impose à l’égard d’une personne faisant partie d’un groupe photographié dans un lieu public. Cette personne ne peut s’opposer à la publication d’une telle photographie si elle n’en est pas le sujet principal.»[5] [95] La Cour pour ces motifs: Rejette l’action de la demanderesse; Le tout avec dépens y compris les frais d’experts. Dernière modification : le 29 novembre 2017 à 10 h 39 min.