Extraits pertinents : [1] Le demandeur réclame de la défenderesse et du défendeur la somme de 4 999,99$ à titre de dommages suite à la parution, dans un journal publié par la défenderesse, d'une photographie prise à son insu, photographie qui permet de l'identifier. [5] La preuve révèle aussi que le demandeur revenait alors d'une marche sur le Mont-Royal à Montréal et qu'il s'est trouvé accidentellement et accessoirement dans la photographie qui fut ultérieurement publiée. Cette photographie avait pour but de montrer les passages piétonniers à travers les terrasses que l'on retrouve sur le boulevard Saint-Laurent. [6] L'article de journal qui accompagne la photographie litigieuse traite lui aussi d'un sujet que l'on peut qualifier de neutre, soit celui de l'aménagement des terrasses par des restaurateurs sur le boulevard Saint-Laurent. [9] En ce qui concerne la jurisprudence applicable à la question, l'arrêt clé est celui rendu par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Les Éditions Vice-Versa inc. et Gilbert Duclos c. Pascale Claude Aubry et Société Radio-Canada[1]. [10] Dans la susdite décision, la Cour suprême écrit ce qui suit : […] (53) Puisque le droit à l'image fait partie du droit au respect de la vie privée, nous pouvons postuler que toute personne possède sur son image un droit qui est protégé. Ce droit surgit lorsque le sujet est reconnaissable. Il faut donc parler de violation du droit à l'image, et par conséquent de faute, dès que l'image est publiée sans consentement et qu'elle permet l'identification de la personne. Voir Field c. United Amusement Corp. (1971) C.S. 283 . (…) (55) Le droit au respect de la vie privée se heurte, en l'instance, à un autre droit protégé par la Charte québécoise, à l'art. 3, le droit à la liberté d'expression. Les juges LeBel et Biron mentionnent que le droit québécois ignore toujours l'exception artistique comme droit autonome. Nous croyons que la liberté d'expression comprend la liberté d'expression artistique. Voir, par exemple R. c. Keegstra (1990) 1990 CanLII 24 (CSC), 3 R.C.S. 697 , à la p. 762; Irwin Toy Ltd. c. Québec (Procureur général) (1989) 1989 CanLII 87 (CSC), 1 R.C.S. 927 , aux pp. 969, 970 et 1009; Ford c. Québec (Procureur général) (1988) 1988 CanLII 19 (CSC), 2 R.C.S. 712 , aux pp. 756 et 767; R. v. Butler (1992) 1992 CanLII 124 (CSC), 1 R.C.S. 452 , à la p. 490. Il n'y a donc pas lieu de créer une catégorie particulière pour tenir compte de la liberté d'expression artistique. L'expression artistique n'a pas besoin d'une catégorie spéciale pour se réaliser. Il n'y a pas, non plus, de justification pour lui attribuer un statut supérieur à la liberté d'expression générale. L'artiste peut invoquer son droit à la liberté d'expression suivant les mêmes conditions que toute autre personne. Il n'y a donc pas lieu de distinguer la liberté d'expression artistique du reportage journalistique, comme nous avons été invités à le faire. (56) Le droit au respect de la vie privée comme la liberté d'expression doivent recevoir une interprétation conforme aux dispositions de l'art. 9 de la Charte québécois. Pour y parvenir, il faut décider de la pondération de ces deux droits. (57) Le droit du public à l'information, soutenu par la liberté d'expression, impose des limites au droit au respect de la vie privée dans certaines circonstances. Ceci tient au fait que l'expectative de vie privée est réduite dans certains cas. Le droit au respect de la vie privée d'une personne peut même être limité en raison de l'intérêt que le public a de prendre connaissance de certains traits de sa personnalité. L'intérêt du public à être informé est en somme une notion permettant de déterminer si un comportement attaqué dépasse la limite de ce qui est permis. [11] En l'espèce, eu égard aux faits de la présente affaire, le Tribunal est d'avis que la situation impliquant le demandeur en est une où l'intérêt public prédomine sur celui du demandeur qui paraît de façon accessoire dans la photographie d'un lieu public. [12] Dans un tel cas, comme l'a déjà dit la Cour suprême du Canada, l'image saisie dans un lieu public peut alors être considérée comme un élément anonyme du décor même s'il est techniquement possible d'identifier des personnes sur la photographie. Dans cette hypothèse, vu que l'attention de l'observateur imprévu se portera normalement ailleurs, la personne «croquée sur le vif» ne pourra s'en plaindre. [13] En la présente instance, le demandeur fait partie d'un groupe photographié dans un lieu public. Il ne peut s'opposer à la publication de la photographie puisqu'il n'en est pas le sujet principal. [14] Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal est d'avis que les défendeurs n'ont commis aucune faute en publiant la photographie litigieuse sans avoir préalablement obtenu le consentement du demandeur. [15] En conséquence, l'action du demandeur doit être rejetée. PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL : REJETTE l'action du demandeur. LE TOUT, sans frais. Dernière modification : le 29 novembre 2017 à 12 h 44 min.