Extraits pertinents :

[1]  Le demandeur poursuit les défenderesses en dommages et intérêts au montant de 6 000 $ pour avoir utilisé sans permission sa photographie aux fins d'une publicité.

[3]  Il a été établi que dans le journal L'Avantage publié le 30 juin 2006, dans le coin gauche du bas de la page 10, la Corporation de développement de Trinité-des-Monts (Corporation) a fait paraître une annonce publicitaire pour promouvoir l'Événement Country Western qui devait avoir lieu les 7, 8 et 9 juillet 2006.

[4]  L'annonce comportait, entre autres, la photographie d'un défilé comprenant des voitures tirées par des chevaux avec des passagers en tenue type western.

[7]  Le demandeur se reconnaît sur la photographie et il situe l'événement dans un des défilés auquel il a participé bénévolement et sur une base volontaire, dans le cadre de l'Événement Country Western sur la rue principale à Trinité-des-Monts. Il conduit les deux chevaux, avec à sa droite le maire de la municipalité de Trinité-des-Monts, et son neveu, Stéphane Bélanger, marche à côté et tient les chevaux.

[9] Lorsqu'il a vu la photo dans le journal, le demandeur a été contrarié par le fait que la publicité peut donner l'impression que les chevaux appartiennent à la Municipalité de Trinité-des-Monts (Municipalité) plutôt qu'à lui, car aucune inscription ne l'identifie.

[14] La photographie en cause aurait été prise lors du défilé de 2004 par une personne non identifiée. Il est certain que ce n'était pas à la demande de la Municipalité, ni à celle de la Corporation.

[20] La Charte des droits et libertés de la personne (L.R.Q. c. C-12) dont se réclame le demandeur prévoit ce qui suit :

4. Toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation.

5.  Toute personne a droit au respect de sa vie privée. […]

 49. Une atteinte illicite à un droit ou à une liberté reconnue par la présente Charte confère à la victime le droit d'obtenir la cessation de cette atteinte et la réparation du préjudice moral ou matériel qui en résulte.

Dommages-intérêts punitifs.

En cas d'atteinte illicite et intentionnelle, le tribunal peut en outre condamner son auteur à des dommages-intérêts punitifs.

[21] Concernant les situations similaires, le Code civil du Québec a aussi certaines dispositions, dont les suivants :

35.Toute personne a droit au respect de sa réputation et de sa vie privée.

Nulle atteinte ne peut être portée à la vie privée d'une personne sans que celle-ci y consente ou sans que la loi l'autorise.

36.Peuvent être notamment considérés comme des atteintes à la vie privée d'une personne les actes suivants:

[…]

 3°  Capter ou utiliser son image ou sa voix lorsqu'elle se trouve dans des lieux privés;

[…]

 5°  Utiliser son nom, son image, sa ressemblance ou sa voix à toute autre fin que l'information légitime du public;

 […]

[22] Lorsqu'une personne invoque une atteinte à ses droits garantis par la charte québécoise, elle doit, tout comme dans toute autre réclamation pour dommages et intérêts, établir l'atteinte à un droit garanti par la charte, les dommages que cette atteinte a causés et le lien de causalité entre les deux [1].

[23]  Certes, la seule prise d'une photographie dans une rue ne constitue pas une atteinte à l'intimité de la vie privée d'une personne.

[24]  Cependant, la publication d'une telle photographie peut porter atteinte à l'anonymat auquel une personne peut tenir.

[25] L'acte du photographe n'aurait aucun effet en l'absence d'une diffusion ou d'une publication.

[26] Une atteinte à l'article 5 de la Charte canadienne des droits et libertés dans ces circonstances doit donc impliquer une forme de diffusion. Si celle-ci a lieu, l'atteinte survient et comporte une violation des droits garantis par l'article 5 de la charte, à moins qu'elle ne soit justifiée par un autre intérêt légitime, comme celui du droit à l'information.

[28] Il est reconnu qu'en ce domaine il peut y avoir faute soit dans la prise de l'image elle-même, soit dans sa diffusion, lorsque ces actes ne sont pas autorisés par la personne elle-même ou justifiés par l'une des exceptions classiques, notamment la présence dans certains cas dans un lieu public; le rôle de personnage public; la satisfaction du droit à l'information ou à l'histoire, la préséance de l'ordre public.

[29] Dans la présente instance, il est reconnu par tous que ni la prise de photographie ni sa diffusion n'ont été autorisées par le demandeur.

[30] Toutefois, il faut se rappeler que la photographie a été prise alors que le demandeur participait volontairement à un défilé sur une place publique auquel assistait, voire était invité, le public en général.

[33] En participant à cet événement, non seulement le demandeur est sorti de sa zone d'intimité, mais il ne pouvait ignorer qu'il risquait d'être photographié et d'être identifié. En agissant ainsi, il renonçait en quelque sorte à l'anonymat.

[34] En plus, la photographie publiée dans le journal n'est pas suffisamment précise pour permettre d'identifier le demandeur, ce qui empêche de prétendre qu'il peut y avoir atteinte au droit à l'anonymat, au droit à la solitude, ou au droit à l'intimité du demandeur.

[35] Dans ces circonstances, nous sommes d'avis qu'il est difficile pour le demandeur de soutenir qu'il y a une véritable atteinte à ses droits reconnus par la Charte québécoise des droits et libertés de la personne ainsi que par le Code civil du Québec.

[38] Au surplus, l'admission du demandeur à l'effet que si on lui avait demandé la permission d'utiliser cette photographie aux fins de publicité, il l'aurait permis, laisse voir qu'il ne soulève finalement qu'une question de principe et que tout compte fait, il y a absence de dommages.

[40] Dans la présente affaire, la photographie représentant plus un événement que le demandeur, il nous apparaît qu'il n'y a pas de dommages qui peuvent lui en découler.

[42] Bien que l'exploitation commerciale et publicitaire de l'image d'une personne connue ou même d'un simple particulier puisse être susceptible de causer à la victime un préjudice matériel, dans la présente affaire aucune preuve de tel dommage n'a été établie [2].

[43] Le Tribunal est donc d'avis que la poursuite du demandeur doit être rejetée, mais elle le sera sans frais.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

REJETTE la demande ;

Sans frais.


Dernière modification : le 6 janvier 2018 à 12 h 46 min.