Extraits pertinents : [1] En début de juillet 1999, la requérante a assisté à un festival de musique populaire tenu en plein air et connu comme leWoodstock en Beauce. Alors qu’elle était avec des amis le samedi après-midi, 3 juillet, soit la troisième journée de ce festival de quatre jours, elle a été photographiée par un employé de l’intimé qui a utilisé sa photo dans l’édition du 4 juillet 1999 du Journal de Québec. [2] Elle fait donc reproche à l’intimé d’avoir brimé son droit privé à l’image et elle réclame par conséquent 3000 $. [4] La photo litigieuse montre la requérante en bikini, une bouteille de bière à la main et face à un homme qui tient au bout de ses bras une cruche de plastique dont l’eau douche la requérante. Comme sous chacune des photos composant ce reportage, une rubrique apparaît dans les mots Y en a qui avait des chaleurs. [11] Ce sont les articles 35, 36 et 1457 du Code civil du Québec qui encadrent les droits invoqués par la requérante. Nous retrouvons à ces articles ce que la Charte québécoise des droits et libertés de la personne[2] et la jurisprudence reconnaissaient déjà avant le nouveau Code civil, en rapport avec la protection de la vie privée, notamment le droit à l’image et à la réputation. [12] Le texte des articles 35 et 36 C.C.Q. se lit comme suit : Art. 35. Toute personne a droit au respect de sa réputation et de sa vie privée. Nulle atteinte ne peut être portée à la vie privée d’une personne sans que celle-ci ou ses héritiers y consentent ou sans que la loi l’autorise. Art. 36. Peuvent être notamment considérés comme des atteintes à la vie privée d’une personne les actes suivants : 1o Pénétrer chez elle ou y prendre quoi que ce soit; 2o Intercepter ou utiliser volontairement une communication privée; 3o Capter ou utiliser son image ou sa voix lorsqu’elle se trouve dans des lieux privés; 4o Surveiller sa vie privée par quelque moyen que ce soit; 5o Utiliser son nom, son image, sa ressemblance ou sa voix à toute autre fin que l’information légitime du public; 6o Utiliser sa correspondance, ses manuscrits ou ses autres documents personnels.[3] [14] Le contexte montré par ces photos où elle est vue en gros plan, sinon à distance de quelques mètres, rend invraisemblable qu’elle ait été photographiée à son insu. Ce qui ressort particulièrement de la photo no 10 de la séquence produite par l’intimé et où elle sourit franchement au photographe à l’instar des autres personnes y apparaissant. Ceci rappelle le contexte d’une autre affaire, décidée par notre collègue François Godbout, j.c.Q., où il a été établi que la réclamante souriait au photographe poursuivi et ne pouvait donc pas prétendre ne pas avoir donné son consentement[5]. [15] Le paragraphe 5 de l’article 36 précité fait ressortir l’équilibre qui doit exister entre le droit individuel à l’image et celui du public d’être légitimement informé. [16] Dans un arrêt désormais classique, la Cour suprême du Canada a fait ressortir que le droit du public à l’information, soutenu par la liberté d’expression, impose des limites à la vie privée dans certaines circonstances et que la pondération des droits en cause dépend non seulement de la nature de l’information mais aussi de la situation des intéressés. En somme, selon elle, c’est une question qui dépend du contexte[6]. [19] Car à notre avis, il s’agissait là d’un événement d’intérêt public justifiant de le reproduire de manière animée par plusieurs photos. Ce qui avait manifestement comme but d’informer le public au sens de l’article 36, précité. [21] La photo reprochée par la requérante constitue en l'espèce la reproduction imagée d’un fait au même titre que le serait la description littéraire d’un événement d’intérêt public. Et comme il a déjà été décidé, la photo publiée au soutien d’un article portant sur un fait d’actualité n'est pas protégée par le droit à l’image[10]. POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL : REJETTE la requête, sans frais. Dernière modification : le 6 janvier 2018 à 10 h 05 min.