Extraits pertinents :

[1] Le demandeur réclame de Sears Canada des dommages totalisant 6 500 $ pour une atteinte à son image suite à la publication sans son consentement d’une photographie dans un calendrier publicitaire.

Contexte factuel

[4] Le demandeur et sa copine Johanie Beaudoin (l’Appelée) se rendent à la succursale de Victoriaville de la défenderesse en mai 2005 pour faire un achat. Un photographe du studio de la défenderesse leur offre une séance de photographie. Après avoir discuté du style de photographies, du nombre de copies et d’autres détails, le demandeur et l’Appelée acceptent de participer à une séance de photographie.

[5] Quelques jours plus tard, l’Appelée, mineure, prend possession des photos chez la défenderesse et signe un « formulaire d’autorisation de reproduction photographique » dont le premier paragraphe se lit comme suit :

« Par la présente, j’accorde à CPI Corp. Et Sears Canada inc., leurs agences, affiliés, agents marchands opérateurs du magasin et leurs successeurs respectifs, assignés et ceux qui agissent sous leur permission et autorité, le droit d’utiliser mon nom et des photographies, images électroniques, films, photos et/ou cassettes vidéo de moi et/ou de ma famille pour une utilisation sous forme de média électronique et/ou impression, à des fins publicitaires, promotionnelles, commerciales et pour tout autre fin légale, sans compensation à mon égard ou celui de ma famille. »

[6]  Le demandeur ne signe pas.

[7] Quelques mois plus tard, le demandeur constate qu’une photo de lui-même et de l’Appelée agrandie en format d’environ un mètre par un mètre, est affichée juste à l’arrière du comptoir du studio de photographie. Le demandeur est incommodé par cela mais il ne fait rien à cet égard.

[8] À l’hiver 2006, il est informé que le calendrier publicitaire préparé par le studio de photographie de la défenderesse contient la même photographie que celle affichée au studio de photographie. Il obtient un exemplaire du calendrier et constate à son grand désarroi que cette photo apparaît au mois de février 2006 avec la mention « Bonne Fête de la Saint-Valentin ».

[10] Le demandeur prétend que la défenderesse a utilisé son image à des fins publicitaires car le calendrier distribué à raison de 500 exemplaires par succursale contient des coupons rabais qui renseignent les consommateurs sur les services offerts par le studio de photographie de la défenderesse.

Analyse

[13] Le recours du demandeur est fondé sur l’article 5 de la Charte des droits et libertés de la personne[2] lequel se lit comme suit :

« 5.  Toute personne a droit au respect de sa vie privée. »

[14] Le droit à l’image est une composante du droit général à la vie privée et le Tribunal doit déterminer s’il y a eu violation du droit à l’image du demandeur en raison de la faute de la défenderesse. Dans l’affirmative, le Tribunal doit déterminer la nature et la valeur des dommages découlant de cette faute.

[15] Dans l’affaire Aubry c. Éditions Vice-Versa[3], la Cour suprême consacre le droit à la compensation des dommages moraux subis dans un contexte de violation du droit à l’image. Dans cette affaire, il a été décidé que la publication d’une photographie sans le consentement de la personne apparaissant sur la photographie constitue une faute génératrice de responsabilité civile dans la mesure où des dommages sont subis en conséquence de cette faute.

[16] Dans l’affaire Laoun c. Malo[4] la Cour d’appel reprend les principes applicables en cas de publication d’une photographie sans le consentement de la personne apparaissant sur la photographie.

[17] En l’espèce, le demandeur a consenti à la séance de photographie mais non pas à l’utilisation d’une photographie à des fins publicitaires pour le bénéfice de la défenderesse. Le « formulaire d’autorisation de reproduction photographique » complété par l’Appelée, mineure, n’est pas opposable au demandeur.

[18] Par conséquent, le Tribunal conclut qu’en l’espèce il y a eu violation du droit à l’image du demandeur par la faute de la défenderesse.

[20] La preuve à ce sujet se limite au témoignage du demandeur qui explique avoir fait l’objet de moqueries de la part de personnes dans son entourage pendant une période d’environ 2 mois. Cette preuve limitée et les précédents étudiés[5] amènent le Tribunal à allouer un montant de 2 000 $ en dommages-intérêts pour les dommages moraux subis par le demandeur.

PAR CES MOTIFS LE TRIBUNAL :

ACCUEILLE en partie la réclamation du demandeur.

CONDAMNE Sears Canada à payer à Victor Letendre un montant de 2 000 $ avec intérêts au taux légal majoré de l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q. à compter du 13 mai 2006 et les frais judiciaires (149 $).

REJETTE la demande de la défenderesse quant à l’Appelée Johanie Beaudoin.


Dernière modification : le 6 janvier 2018 à 9 h 50 min.