Extraits pertinents :

[1]  Le Tribunal est saisi d'une requête pour l'émission d'une ordonnance d'injonction interlocutoire provisoire visant à interdire à la défenderesse de publier un livre dans lequel elle attaque la réputation des demandeurs en qualifiant de fraudeur Fodé Mohamed Soumah.

[3]  En résumé, la situation des parties est la suivante. Lainie Towell et Fodé Mohamed Soumah font connaissance en Guinée en 2004. Lainie Towell est une danseuse de ballet de la région d'Ottawa et Fodé Mohamed Soumah est musicien dans son pays d'origine, la Guinée.

[4] Elles se fréquentent à distance en communiquant par courriel et par téléphone. Elles se voient également lors de visites de Lainie Towell en Guinée.

[5] Les parties se marient le 20 avril 2007.

[6]  Le 20 juin 2007, Lainie Towell dépose une demande de parrainage pour son époux. Un visa est émis le 6 septembre 2007.

[7]  Le couple arrive au Canada le 31 décembre 2007 et fait vie commune jusqu'au 28 janvier 2008, alors que le demandeur quitte le domicile conjugal suite à une dispute entre les époux.

[8]  Les parties ne refont plus vie commune depuis cet incident. Lainie Towell dénonce Fodé Mohamed Soumah à Immigration Canada en lui reprochant d'avoir contracté le mariage dans le seul but d'obtenir sa résidence permanente au Canada et d'avoir fait une fausse déclaration aux autorités canadiennes en ayant omis de déclarer qu'il est le père d'un enfant à charge en Guinée.

[11] Fodé Mohamed Soumah en appelle de la décision de la Commission de l'immigration bien qu'il ait été expulsé du Canada en février 2012. Il soutient qu'un test de paternité effectué le 1er février 2012 démontre qu'il n'est pas le père d'un enfant né en Guinée. Ainsi, selon lui, sa déclaration pour entrer au Canada ne contient pas de fausses affirmations et pour cette raison, l'avis d'expulsion doit être annulé.

[13]  Dans sa quête de justice, elle publie et met en vente un livre intitulé « How to catch an African chicken – A Canadian women's outrageous but true story of marrital fraud ». Elle fait la promotion du livre par voie d'internet et par l'entremise de différentes entrevues accordées aux médias qui s'intéressent à l'affaire. Elle fait également pression sur le gouvernement canadien pour qu'une situation comme celle qu'elle déclare avoir vécue ne se représente plus.

[15]  Elle profite également de la publication de son livre pour reproduire des photos montrant entre autres l'image de Fodé Mohamed Soumah.

L'apparence de Droit :

[18] Le droit à la vie privée comporte celui de vivre de façon retirée et anonyme et celui de bénéficier d'une certaine solitude.[1] Il comporte aussi le droit de contrôler l'usage que l'on fait de son image.[2] Le législateur a prévu qu'une personne a le droit à sa réputation et qu'on ne peut entacher celle-ci par la diffamation, c'est-à-dire par une atteinte fautive à la réputation d'autrui.

[20]  Or, dans la présente affaire, les propos et les commentaires de Lainie Towell à l'égard de Fodé Mohamed Soumah, ses publications et le message véhiculé par elle s'apparentent à une attaque non fondée de la réputation de Fodé Mohamed Soumah. La décision de la Commission de l'Immigration est actuellement le seul organisme ayant statué sur les prétentions des parties. Or, celle-ci rejette les prétentions de Lainie Towell et conclut qu'elle n'est pas victime de fraude ou d'un mariage frauduleux. Bien que la défenderesse ait droit à sa perception des événements survenus entre elle et Fodé Mohamed Soumah et qu'elle ait le droit de dénoncer les faits véridiques de cette situation, sa conduite, son comportement, ses actions et ses propos laissent apparaître une attaque injustifiée à la réputation d'autrui. Le droit à l'ordonnance recherchée est donc apparent.

Le préjudice sérieux et irréparable :

[21]  Le droit au respect de la vie privée et de la réputation des demandeurs l'emporte sur les conséquences financières que la présente décision peut avoir pour la défenderesse.

[22] La diffamation et l'atteinte fautive à la réputation d'autrui risquent de causer aux demandeurs un préjudice sérieux et irréparable qui ne pourra être totalement compensé par une action en dommage.

[23]  L'analyse de ce critère favorise donc les demandeurs.

L'urgence de la situation :

[26] La publication imminente d'une version écrite du livre publié via internet par la défenderesse aggravera l'atteinte à la réputation des demandeurs et cette situation justifie l'intervention du Tribunal.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[27]  ACCUEILLE en partie la requête en injonction interlocutoire provisoire.

[28]  ÉMET une ordonnance d'injonction interlocutoire provisoire contre la défenderesse et toute autre personne qu'elle contrôle;

[29]  ORDONNE à la défenderesse d'interrompre et de cesser l'impression, la publication, la diffusion, la promotion, la vente et le commerce du livre intitulé « How to Catch an African Chicken – A Canadian Woman's Outrageous but True Story of Marriage Fraud », et ce, sous quelque forme que ce soit, électronique ou non, et par tous moyens directs ou indirects;

[30]  ORDONNE à la défenderesse de cesser d'utiliser toutes photos ou films ou autres représentations graphiques ou images de Fodé Mohamed Soumah dit Akra sous quelques formes que ce soit ou sur tout support, directement ou indirectement;

[31]  La présente ordonnance demeure en vigueur jusqu'au 31 juillet 2012, à 16 h 30.


Dernière modification : le 2 décembre 2017 à 15 h 01 min.