Extraits pertinents : [1] Le demandeur poursuit les défendeurs en dommages et intérêts pour avoir utilisé sans permission sa photographie à des fins de publicité. [3] Les faits ne font pas l’objet d’une contestation. [4] La photo du demandeur a été prise dans le cadre d’une partie de pêche avec le défendeur Poisson sur une portion de la rivière Bonaventure accessible à tous. Il s’agit d’une photo souvenir de l’événement. [5] Il n’a jamais été question d’utiliser cette photo pour quoi que ce soit. Or, en mai ou juin 2012, le demandeur a appris que cette photo se retrouvait en page couverture du catalogue d’articles de pêche de la défenderesse Amundson Outdoors Products Ltd. [6] Le défendeur Poisson, qui apparaît aussi sur cette photo, l’a remise avec d’autres à la défenderesse Amundson Outdoors Products Ltd qui l’a sélectionnée pour son catalogue. [7] Il y a eu 400 copies de faites pour le Canada, dont 42 ont été distribuées à des marchands du Québec. [9] Le cadre juridique tel que le rapporte mon collègue, le juge Gabriel De Pokomandy (1) : « [20] La Charte des droits et libertés de la personne (L.R.Q. c. C-12) dont se réclame le demandeur prévoit ce qui suit : 4. Toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation. 5. Toute personne a droit au respect de sa vie privée. […] 49. Une atteinte illicite à un droit ou à une liberté reconnue par la présente Charte confère à la victime le droit d'obtenir la cessation de cette atteinte et la réparation du préjudice moral ou matériel qui en résulte. En cas d'atteinte illicite et intentionnelle, le tribunal peut en outre condamner son auteur à des dommages-intérêts punitifs. [21] Concernant les situations similaires, le Code civil du Québec a aussi certaines dispositions, dont les suivants : 35. Toute personne a droit au respect de sa réputation et de sa vie privée. Nulle atteinte ne peut être portée à la vie privée d'une personne sans que celle-ci y consente ou sans que la loi l'autorise. 36. Peuvent être notamment considérés comme des atteintes à la vie privée d'une personne les actes suivants: […] 3° Capter ou utiliser son image ou sa voix lorsqu'elle se trouve dans des lieux privés; […] 5° Utiliser son nom, son image, sa ressemblance ou sa voix à toute autre fin que l'information légitime du public; […] [23] Certes, la seule prise d'une photographie dans une rue ne constitue pas une atteinte à l'intimité de la vie privée d'une personne. [24] Cependant, la publication d'une telle photographie peut porter atteinte à l'anonymat auquel une personne peut tenir. Analyse [52] Dans l’affaire Godbout c. Longueuil (Ville), la Cour suprême a décidé que la protection accordée à la vie privée vise à garantir une sphère d’autonomie individuelle relativement à l’ensemble des décisions qui se rapportent à des « choix de nature fondamentalement privée ou intrinsèquement personnelle » (par. 98). Dans la mesure où le droit à la vie privée consacré par l’art. 5 de la Charte québécoise cherche à protéger une sphère d’autonomie individuelle, ce droit doit inclure la faculté de contrôler l’usage qui est fait de son image puisque le droit à l’image prend appui sur l’idée d’autonomie individuelle, c’est-à-dire sur le contrôle qui revient à chacun sur son identité. Nous pouvons aussi affirmer que ce contrôle suppose un choix personnel. Notons enfin que l’art. 36 du nouveau Code civil du Québec, L.Q. 1991, ch. 64, qui ne trouve cependant pas application en l’espèce, confirme cette interprétation puisqu’il reconnaît comme atteinte à la vie privée le fait d’utiliser le nom d’une personne, son image, sa ressemblance ou sa voix à toute autre fin que l’information légitime du public. » (2) [10] Bien que le défendeur Poisson soutient que la photo a été retenue pour ses qualités esthétiques et visuelles, le Tribunal estime que le défendeur Amundson visait certainement à faire mousser ses ventes en raison de la notoriété de la réputation et de l’image du demandeur dans ce secteur d’activités. Il y avait un bénéfice commercial qui y était rattaché. [12] Le Tribunal a décelé compte tenu du comportement du demandeur lors de son témoignage et au delà des mots utilisés, une atteinte à sa dignité qui donne ouverture à des dommages moraux. [13] Le Tribunal fixe les dommages à la somme de 1 500 $ compte tenu de la diffusion somme toute restreinte du catalogue. POUR TOUS CES MOTIFS, LE TRIBUNAL : [14] ACCUEILLE partiellement la demande; [15] CONDAMNE les défendeurs à payer au demandeur la somme de 1 500 $, avec intérêts au taux légal, et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec, à compter du 27 juillet 2012, date de l’assignation; [16] CONDAMNE les défendeurs à payer au demandeur les frais judiciaires de la demande, soit 163 $. Dernière modification : le 6 janvier 2018 à 11 h 56 min.