Extraits pertinents :

[1]               Les parties ont vécu une relation amoureuse de laquelle est né X, le […] 2001.

[2]               Le demandeur allègue avoir été victime de harcèlement, de diffamation et d'accusations injustifiées dont il tient la demanderesse responsable. Il réclame 502 973,39 $ pour divers dommages qu'il a subis en conséquence de la conduite fautive et de la mauvaise foi de la défenderesse.

[16]            Le 23 septembre 2001, la défenderesse vit toujours chez ses parents lorsqu'elle demande à monsieur de la conduire à l'hôpital, son accouchement est imminent, le travail est commencé. Le demandeur l'accompagne, la réconforte. La défenderesse est une personne imprévisible, le demandeur témoigne qu'elle s'excuse de sa conduite et la vie continue. La défenderesse réintègre plus tard la résidence familiale.

[17]            X naît avec une malformation de l'œsophage qui nécessite son transfert dans un centre spécialisé où il est opéré dans les 48 heures. L'enfant est hospitalisé près de deux mois.

[19]            Mme Lévesque, intervenante de la DPJ affirme que la défenderesse lui a déjà raconté que le père n'avait visité l'enfant que deux ou trois fois pendant cette longue hospitalisation. Inquiétée par cette information, elle vérifie le dossier hospitalier dans lequel les notes du personnel contredisent la prétention de la défenderesse.

[20]            La défenderesse peine à reconnaître la présence du père auprès de l'enfant et la pertinence de ses interventions à ce moment, comme par la suite. Elle a toujours des griefs sur tous les gestes qu'il pose. Madame est certes attentive et elle s'investit beaucoup, mais l'enfant a aussi besoin d'un suivi médical et de la grande surveillance des deux parents, ce qui semble avoir été le cas.

[23]            Plus tard, le 29 septembre 2002, le demandeur garde son fils en l'absence de la mère.  Il scie du bois près de la maison, portant un cache-oreilles de protection alors que l'enfant est dans sa chambre. La mère dit avoir trouvé l'enfant en pleurs à son retour. Elle n'hésite pas à contacter la DPJ « pour s'informer », dit-elle, car elle craint pour la sécurité de l'enfant.

[24]            Les parties réfèrent à cet incident dans leurs notes contemporaines consignées[2] pour le suivi de X comme palliatif à leur problème de communication. L'enfant est surveillé par un moniteur sophistiqué avec « visual analogue scale » auquel le père a accès. La mère le sait, mais il est possible qu'elle n'informe pas la DPJ.

[26]            La preuve révèle qu'il y a eu aussi un autre appel à la DPJ dans des circonstances semblables. Monsieur effectue des travaux à l'extérieur de la résidence et laisse X dans la maison. Madame affirme que l'incident est antérieur à l'histoire de la scie à chaîne[3] même si un jugement de la juge Laramée situe l'évènement en 2004[4], tout comme le suggère aussi le demandeur.

[38]            Le 27 mai 2004, la défenderesse dépose une requête pour garde d'enfant[6]. Le demandeur a aussi déposé une requête de garde d'enfant[7] qui sera signifiée immédiatement, car madame déménageait.

[43]            La relation des parents est toujours empreinte de méfiance à cette époque comme plus tard. Les échanges de X lors des accès sont filmés par la défenderesse et la grand-mère maternelle. Nous apprenons de plus qu'une caméra est installée sur la propriété des grands-parents maternels et plus tard le demandeur aurait fait de même.

[44]            La juge Beauchemin qui est saisie de la requête présentée par la DPJ en vertu des articles 38 et 91 de la Loi sur la protection de la jeunesse écrira que la mère, son frère, les agents d'une compagnie d'investigation ont filmé « environ cent (100) heures de vidéos dont copies ont été remises aux parties[9] ».

[45]            D'ailleurs, la juge Trudel interdit le 25 juillet 2005 « the taping or videotaping of the child's exchange between the parents ». La juge autorise également le père à exercer des accès pour les vacances et à amener son fils en Saskatchewan[10].

[58]            À la mi-août 2005, au retour d'un accès de chez le père, la défenderesse découvre en donnant le bain à X que son pénis est rouge et enflé. Elle témoigne que l'enfant dit que « papa a fait bobo à ma zigounette » et il répète au moins 4 fois : « papa pense que c'est une saucisse ».

[59]            Encore le recours aux policiers d'Aylmer, on lui recommande d'appeler l'hôpital où on lui suggère de communiquer avec info santé, là une dame lui dit « qu'il faut absolument aller à l'hôpital pour voir un médecin[16] ». Elle se rend au CHEO (Children's Hospital of Eastern Ontario).

[60]            Elle y rencontre M. Voss, un travailleur social qui procède à une évaluation initiale puisqu'on soupçonne une agression sexuelle. La défenderesse lui donne sa version, réfère à la violence du père dont elle est victime et même rapporte l'incident de masturbation de 2004[17]. X est dans la même pièce lorsque sont abordées ces questions.

[61]            La pédiatre de l'urgence examine l'enfant et, outre la légère enflure et la rougeur du pénis, elle ne voit aucune autre marque. Elle explique qu'une telle « situation n'est ni normale ni exceptionnelle ». Des parents inquiets de ce constat vont consulter à l'urgence.

[63]            L'agent Yvon Bellerose, contacté par la DPJ, croit, à son arrivée au dossier, que la mère soupçonne le père d'agression sexuelle. Il reçoit X en salle vidéo où, avant même de s'asseoir ou d'être questionné, le petit fait une déclaration spontanée que « papa a fait bobo à sa zigounette… a joué avec… ».

[64]            L'agent constate des incohérences dans les propos du garçonnet et son impossibilité de donner des détails. Il obtient une très longue déclaration de la mère le 26 août 2005[18] et un complément le 30 août 2005 où elle croit utile de mentionner l'incident quand l'enfant se serait déjà masturbé en disant comme papa.

[70]            Mme Lévesque, après environ un mois d'évaluation, avise la défenderesse que la thèse de l'agression sexuelle est peu probable. En contrepartie, son attitude et ses propos l'inquiètent sérieusement. L'intervenante conclut que la mère est menaçante et qu'il faut lui enlever d'urgence l'enfant. La mère a un comportement nocif qui perturbe l'enfant.

[72]            La plainte d'agression sexuelle n'est pas portée et la défenderesse en est informée en octobre 2005[22], elle exige une confirmation écrite de l'inspecteur Bellerose. Cette décision ne convainc pas la mère qui en reparle d'abondance lors du procès pour compromission.

[73]            Le demandeur a payé des honoraires et déboursés dus à son avocat criminaliste la somme de 5 448,86 $ relativement à la plainte d'agression sexuelle et 53 456,15 $ concernant les démarches et le procès devant le Tribunal de la jeunesse[23].

[142]      Quant aux enregistrements par vidéo des échanges de X lors des accès du père, ils sont faits par la défenderesse ou pour elle par des membres de sa famille de mai à juillet 2005. Ces enregistrements constituent-ils une atteinte à la vie privée au sens de l'art. 36 C.c.Q. plus particulièrement « 4° Surveiller une vie privée par quelque moyen que ce soit » ?

[143]      La Cour d'appel dans l'arrêt Veilleux c. Compagnie d'assurance-vie Penncorp[52] rappelle que toute surveillance ne constitue pas une atteinte illicite au droit à la vie privée. « Dans l'arrêt Bridgestone, la Cour d'appel précise que la preuve de surveillance peut être admise si elle est justifiée pour des motifs rationnels et conduite par des moyens raisonnables au sens de l'art. 9.1 de la Charte : … » (citations omises).

[145]      L'initiative de la défenderesse est malveillante, injustifiée et n'est certes pas mue dans l'intérêt du demandeur et la protection de l'enfant. La preuve ne permet pas d'évaluer l'ampleur de l'intrusion ni de conclure à la violation de la vie privée.

[146]      Cette persistance à tout filmer a inquiété le demandeur qui conscient d'être suivi, filmé se demandait quel était le but de la mère et des membres de sa famille. Il appert d'ailleurs que c'est la défenderesse qui a fait installer la caméra sur le toit de la propriété de ses parents, ce qui permettait de suivre les déplacements du père qui devait nécessairement passer devant cette maison.

[147]      Quant aux filatures subséquentes du demandeur, la preuve n'est pas élaborée, aucun rapport ou vidéo n'est mis en preuve. Retenons simplement qu'il s'agit de maillons additionnels dans le harcèlement de la défenderesse qui continue d'épier les déplacements du demandeur pour divers motifs.

[150]      Cette fausse dénonciation entraîne une brève arrestation, la signature d'un engagement qui comporte certaines limites à la liberté de monsieur et une atteinte à sa réputation.

[161]      Même après avoir appris qu'aucune plainte d'agression sexuelle ne serait portée contre le demandeur, la défenderesse persiste dans ses doutes et ses insinuations et nous l'avons vu elle fait entendre plusieurs témoins sur cette question précise.

[180]      Il est difficile de mesurer la diffusion des propos diffamatoires à l'exclusion des intervenants policiers et témoins auxquels nous avons déjà référés. Le demandeur n'a pas contribué à cette diffusion et il s'est fait discret. La preuve ne permet pas d'apprécier l'ampleur de la résonance de ses démêlés avec la justice parmi ses pairs et ses voisins. On sait que certains d'entre eux le savent. Il y a une atteinte à sa réputations et à sa dignité.

[181]      La répétition des gestes abusifs et malveillants de la défenderesse a fait perdurer les inconvénients et souffrances sur plusieurs années et prenant en compte l'ensemble des circonstances, le Tribunal accorde 30 000 $ pour les dommages moraux.

POUR TOUS CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[211]      ACCUEILLE la requête du demandeur ;

[212]      CONDAMNE la défenderesse à payer au demandeur la somme de 118 315,93 $ à titre de dommages moraux et compensatoires, le tout avec intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'art. 1619 C.c.Q. depuis l'assignation ;

[213]      COMDAMNE la défenderesse à payer au demandeur 5 000 $ à titre de dommages punitifs avec intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle à compter du présent jugement ;

[214]      Le tout avec dépens contre la défenderesse ;

[215]      REJETTE sans frais la demande reconventionnelle de la défenderesse.


Dernière modification : le 26 novembre 2017 à 12 h 01 min.