Extraits pertinents : [1] Marie-Josée Bernier et Éric Darsigny, tant à titre personnel qu'en leur qualité de tuteurs de leur fille mineure Anna, poursuivent en dommages Le Courrier de Saint-Hyacinthe (le Courrier) à la suite des publications d'une photographie dans laquelle se trouve leur enfant. [2] La défenderesse plaide pour l'essentiel n'avoir commis aucune faute et absence d'atteinte au droit à la vie privée des parties. [4] Le 1er novembre 2009 est jour d'élection à Saint-Hyacinthe. Le nouveau maire, Claude Bernier, est le père de Marie-Josée Bernier et le grand-père d'Anna. [5] La soirée des élections se passe chez les demandeurs. Une fois le résultat connu les demandeurs se rendent tous à l'Hôtel de Ville avec le nouveau maire. [7] Elle dit avoir été surprise de voir la photographie de sa fille (accompagnant son père) lors de l'édition suivante du Courrier. [8] Les demandeurs transmettent une mise en demeure au Courrier dans les jours suivants : la défenderesse y est intimée de cesser d'utiliser la photographie de leur fille. [9] Après la mise en demeure, la défenderesse utilise à deux autres reprises la photographie où apparaît Anna. [16] La décision de la Cour suprême dans l'affaire les Éditions Vice Versa Inc.[1] apporte un éclairage pertinent sur la question faisant l'objet du présent dossier : « [57] Le droit du public à l'information, soutenu par la liberté d'expression, impose des limites au droit au respect de la vie privée dans certaines circonstances. Ceci tient au fait que l'expectative de vie privée est réduite dans certains cas. Le droit au respect de la vie privée d'une personne peut même être limité en raison de l'intérêt que le public a de prendre connaissance de certains traits de sa personnalité. L'intérêt du public à être informé est en somme une notion permettant de déterminer si un comportement attaqué dépasse la limite de ce qui est permis. « [58] L'intérêt public ainsi défini est donc déterminant, dans certains cas. La pondération des droits en cause dépend de la nature de l'information, mais aussi de la situation des intéressés. C'est une question qui est dépendante du contexte. Ainsi, il est généralement reconnu que certains éléments de la vie privée d'une personne exerçant une activité publique ou ayant acquis une certaine notoriété peuvent devenir matière d'intérêt public. C'est le cas, notamment, des artistes et des personnalités politiques, mais aussi, plus globalement, de tous ceux dont la réussite professionnelle dépend de l'opinion publique. Il peut aussi arriver qu'un individu jusqu'alors inconnu soit appelé à jouer un rôle de premier plan dans une affaire qui relève du domaine public, par exemple, un procès important, une activité économique majeure ayant une incidence sur l'emploi de fonds publics, ou une activité qui met en cause la sécurité publique. L'on reconnaît également qu'il y a exonération de responsabilité du photographe et de ceux qui publient sa photographie lorsque par son action, même involontaire, un simple particulier se trouve accidentellement et accessoirement dans la photographie. La personne est alors, en quelque sorte, projetée sous les feux de la rampe. Nous n'avons qu'à penser à la photographie d'une foule durant un événement sportif ou une manifestation. [17] Il importe en premier lieu de rappeler que les demandeurs se sont rendus de leur propre chef au local où le nouveau maire s'est présenté après avoir appris le résultat des élections. De fait, ils sont tous les quatre partis ensemble. [18] Les demandeurs savaient très certainement que des représentants des médias s'y trouvaient et que des photos du nouveau maire seraient prises, et ce, à tout moment de la soirée. [21] À la même enseigne qu'une personne qui assiste à un match de hockey ou à un défilé, un individu qui a choisi de fréquenter un endroit public accepte implicitement que des photographies soient prises et dans lesquelles il pourrait se retrouver. Il accepte de plus que cette photographie pourra être publiée dans les médias dans le cours normal des activités de ces médias. [22] On ne peut participer à une assemblée publique et, en même temps, refuser la perte d'anonymat qui en résulte inévitablement, y compris en raison des photographies, vidéos etc. qui accompagnent presque toujours ces événements. [23] Il importe de souligner que dans la photographie en question c'est le nouveau maire qui est mis en relief et non Anna. [25] La donne change toutefois lorsque les demandeurs transmettent une mise en demeure au Courrier. [26] En ce qui a trait à la deuxième publication, le Tribunal accepte les explications données par le représentant du Courrier à l'effet qu'il était trop tard pour "arrêter les presses" lorsqu'il a reçu la première mise en demeure des demandeurs. [27] En ce qui a trait à la troisième publication, elle a lieu plusieurs mois après que la photographie ait été prise, après que la défenderesse a été avisée par les demandeurs de leur objection à ce qu'elle soit encore utilisée. [32] En ce qui a trait aux dommages le Tribunal les évalue, globalement, à 1 500,00 $ compte tenu qu'ils sont, somme toute, plutôt minimes. Il y a toutefois eu un accroc volontaire, inutile et non justifié aux droits d'Anna – et par ricochet à ceux de ses parents – que le Tribunal doit sanctionner. POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL : [33] FAIT DROIT pour partie à l'action des demandeurs. [34] CONDAMNE la défenderesse Le Courrier de Saint-Hyacinthe à payer aux demandeurs Marie-Josée Bernier et Éric Darsigny tant à titre personnel que tuteur de leur fille mineure Anna la somme de 1 500,00 $ avec intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code Civil du Québec depuis le 24 novembre 2009. Dernière modification : le 16 novembre 2017 à 11 h 38 min.