Extraits pertinents :

Aperçu

[1]           Les demandeurs sont propriétaires d’un immeuble dont l’adresse civique est le 406, rue Principale, à Saint-Mathieu.  Ils l’ont acheté de M. Jean-Luc Robert, le frère du défendeur Stéphane Robert, le 16 avril 2008.

[2]           L’immeuble des demandeurs est l’une de plusieurs résidences situées le long de la rue Principale à l’ouest du village.  Ces constructions sont situées en zone agricole[1] et sont entourées de vastes terres agricoles dont l’une appartient à la défenderesse la Ferme Grains d’or inc.  Cette ferme est exploitée par Stéphane Robert et le défendeur Claude Philie, lesquels exploitent également une société de transport, la défenderesse Transport CPSR inc.

[4]           Les demandeurs soutiennent qu’ils ont acheté leur maison sur la foi des fausses représentations de M. Jean-Luc Robert et de son agent immobilier selon lesquelles la ferme n’était plus en opération.  Dans les faits, les défendeurs cultivent des céréales, ce qui cause de la poussière et du bruit. Depuis l’automne 2008, les demandeurs se plaignent de cette situation.

[5]           Voulant mettre fin à ces inconvénients, les demandeurs ont porté plainte auprès de la police à maintes reprises depuis 2008.  Ils ont également filmé les activités des défendeurs et enregistré l’intensité des bruits de la ferme à l’aide d’un sonomètre.

[9]           Par leur demande reconventionnelle, les défendeurs requièrent une ordonnance enjoignant aux demandeurs de cesser de les harceler, les insulter et les filmer.  Ils réclament des dommages totalisant 327 551 $ pour atteinte à la réputation, dommages moraux, ainsi que pour des pertes de récoltes attribuables à la faute des demandeurs.

  1.    Discussion
  2.       Le harcèlement et l'intimidation dont se plaignent les parties

[92]        Les défendeurs Robert et Philie soutiennent que les activités des demandeurs constituent du harcèlement.  Ils demandent une injonction pour faire respecter leurs droits à la vie privée, ainsi que des dommages moraux.

[93]        Mme Kowalowka affirme qu'en filmant les défendeurs, l’intention des demandeurs était de recueillir une preuve des nuisances, d’abord aux fins d’une action en annulation de vente et ensuite aux fins de la présente action.

[95]        Les défendeurs ont déposé en preuve une photographie d’une chaise de jardin, placée à la limite de la propriété des demandeurs, où, selon M. Robert, M. Hilinski s’assoyait pendant de longs moments pour filmer les défendeurs au travail.

[96]        En avril 2009, MM. Robert et Philie ont envoyé une lettre recommandée aux demandeurs leur demandant de cesser de les filmer[23].

[107]     Toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation, ainsi qu’au respect de sa vie privée[24]De l’avis du Tribunal, les demandeurs ont porté atteinte à la vie privée des défendeurs en les filmant une centaine de fois pendant une période de cinq ans.  Dans le cas de M. Robert, l’accusation manifestement non fondée de méfait et de vol a porté préjudice à son honneur et à sa réputation de policier.

[108]     Les défendeurs ont cité plusieurs décisions où la Cour supérieure a accordé des dommages moraux allant de 10 000 $ à 50 000 $ dans les cas d’harcèlement et d’atteinte à la vie privée et à la réputation d’une personne[25].  Toutefois, comme cette jurisprudence le démontre, le Tribunal doit établir le montant des dommages en tenant compte des circonstances particulières de chaque cas.

[109]     En fixant les dommages en l’espèce, le Tribunal a égard au fait que l’intention des demandeurs en filmant les défendeurs n’était pas malveillante, mais que leurs actions sont devenues excessives et déraisonnables. Le Tribunal tient compte également du contexte conflictuel entre les voisins, où chacun croyait avec une certaine justification être lésé par l’autre.  Enfin, il ne faut pas ignorer que les demandeurs ont été provoqués par des injures verbales (ils ont aussi dit des insultes) et par le fait que leurs biens ont été vandalisés.

[110]     Le Tribunal estime que Claude Philie a droit à une compensation de 5 000 $ pour atteinte à sa vie privée.  Le Tribunal accorde à M. Robert la somme de 5 000 $ pour atteinte à sa vie privée, ainsi que la somme de 2 000 $ pour atteinte à son honneur et à sa réputation en raison des fausses accusations de méfait et de vol.

[154]     POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[157]     ACCUEILLE en partie la demande reconventionnelle;

[158]     ÉMET une injonction permanente enjoignant aux demandeurs de cesser de filmer ou de photographier les défendeurs, leurs employés, ou les membres de leurs familles;

[159]     ORDONNE à chaque partie de cesser de faire des menaces ou de dire des insultes à l’autre partie, à leurs employés, ou aux membres de leurs familles;

[160]     CONDAMNE les demandeurs solidairement à payer la somme de 7 000 $ au défendeur Stéphane Robert et la somme de 5 000 $ au défendeur Claude Philie, avec les intérêts et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 C.c.Q., à compter de l’assignation le 15 mai 2012;


Dernière modification : le 3 décembre 2017 à 13 h 28 min.