Extraits pertinents :

[1] Céline Archambault (Archambault) propriétaire d'un condominium situé au […] à St-Sulpice poursuit le Syndicat des copropriétaires du Manoir St‑Sulpice (le Syndicat) pour non-respect de leurs obligations.

[4] Le Syndicat dépose une demande reconventionnelle de 2 494,64 $ invoquant le non-paiement par Archambault d'un mois de frais de condominium. Archambault nie devoir cette somme.

[5] Jacques Rochon dépose, lui aussi, une demande reconventionnelle de 7 000 $ pour harcèlement, atteinte à sa réputation, atteinte à sa vie privée et atteinte à sa dignité personnelle due aux propos homophobes d'Archambault.

LES FAITS

Travaux paysagers

[7] Archambault témoigne et dépose des photos montrant sa plate-bande ainsi que les aires communes. Elle allègue que depuis 2007, soit depuis l'arrivée d'un nouveau paysagiste, Antoine Parenteau, conjoint de Jacques Rochon, administrateur, l'état des lieux s'est grandement détérioré. Aucune photo des lieux avant le début des services d'Antoine Parenteau n'est déposée.

[9] Le Syndicat a fait entendre plusieurs propriétaires de condominiums situés au même endroit qui offrent des témoignages très différents. Ils affirment qu'en tout temps avant l'arrivée de Parenteau  le gazon était à la dérive, étant constitué de mauvaise herbe.

[10] Depuis son arrivée, son état s'améliorerait graduellement. Ils ont eu la présence de vers blancs qui fut adressée par le Syndicat qui a retenu les services spécialisés d'un arroseur contre cette vermine. Quant aux plates-bandes les autres propriétaires parlent d'améliorations apportées par Parenteau.

[11] Jacques Rochon et Antoine Parenteau confirment tous deux que, suite au dépôt d'une plainte en chambre criminelle contre eux par Archambault, ils ont cessé de s'occuper de la plate-bande devant le condominium d'Archambault.

[20] Archambault indique que depuis qu'elle est propriétaire de son condominium les propriétaires jouissent d'un libre accès à la salle commune qui n'était pas barrée. Or depuis 2008, une serrure a été posée et les propriétaires doivent demander la clé au Syndicat avant d'utiliser la salle commune. Archambault prétend qu'il lui est impossible d'avoir cette clé, car les membres du Syndicat ne sont pas joignables. Il fut par contre démontré qu'elle n'a jamais tenté d'avoir cette clé.

[21] Elle indique aussi qu'elle demande depuis l'été 2011, l'accès aux documents de gestion du CA, tels les procès-verbaux, les contrats, les factures payées et que cet accès lui fut toujours refusé.

[22] Jacques Rochon a témoigné pour le Syndicat expliquant qu'ils furent dans l'obligation de mettre une serrure à la salle commune après qu'un locataire l'ait utilisé à outrance endommageant les lieux.

[23] Le Syndicat a fait entendre des témoins à ce sujet, témoins qui ont aussi indiqué que la salle est facilement accessible, puisqu'il y a toujours au moins un membre du conseil joignable en tout temps.

[24] Quant à l'accès aux documents, tels contrats, procès-verbaux, factures, Hélène Salvail a témoigné qu'ils ont offert des plages horaires pour céduler une rencontre et que Archambault n'a jamais répondu à leur offre.

[51] Archambault n'a pas fait la preuve d'aucun acte commis par les administrateurs qui serait à l'extérieur de leur mandat ou contraire aux dispositions de la loi qui engendrerait leur responsabilité personnelle.

[59] Rochon réclame 7 000 $ personnellement pour diffamation (atteinte à sa réputation), harcèlement, atteinte à la vie privée et homophobie.

[61] La présente poursuite comporte un volet « diffamation » ou « d'atteinte à la réputation et harcèlement » non recevable en matière de petites créances. Il y a aussi atteinte à la vie privée et à la dignité de la demanderesse qui sont des droits distincts de la diffamation et qui peuvent, isolément, donner ouverture à une condamnation en dommages en cas de violation.[2]

[63] Par ailleurs, il y a atteinte à la vie privée, à l'intimité et à la dignité dans les circonstances suivantes:

- l'auteur porte atteinte à une personne en faisant une intrusion injustifiée dans sa vie privée et/ou diffuse illégalement des renseignements personnels sur cette personne, même si ces renseignements sont exacts et qu'il n'y a pas intention de nuire [8];

-  tout être humain a des attributs fondamentaux et il doit être traité avec pudeur et respect.  Les principales composantes du droit à la vie privée sont le droit à l'anonymat, à l'intimité ainsi que le droit à l'autonomie dans l'aménagement de sa vie personnelle et familiale ou encore le droit au secret et à la confidentialité; cela inclut également le droit à l'inviolabilité du domicile, à l'utilisation de son nom, les éléments relatifs à l'état de santé, la vie familiale et amoureuse, l'orientation sexuelle;

-  l'auteur commet l'un ou l'autre des gestes énumérés à l'article 36 du Code civil du Québec.

[64] La Cour d'appel fait la distinction entre le « droit à la protection de la vie privée » et le « droit à la protection de la réputation » dans l'affaire Chiasson c. Fillion[3] Tout en reconnaissant que les propos offensants diffusés au sujet de l'animatrice portaient atteinte à sa réputation, ils touchaient également sa vie privée en révélant certains aspects de sa vie personnelle (ses mensurations, etc.).

[66] Toutefois, Rochon plaide aussi une atteinte à sa vie privée et homophobie par la prise d'image de lui et pour l'emploi du terme « tapette ».

[67] Dans le cas sous étude, la législation pertinente se situe aux articles 4, 5 et 9 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne (soulignements ajoutés):

4. « Toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation. »

5. « Toute personne a droit au respect de sa vie privée. »

[68] Le Code civil du Québec contient également des dispositions qui vont dans le même sens:

3. « Toute personne est titulaire de droits de la personnalité, tel le droit à la vie, à l'inviolabilité et à l'intégrité de sa personne, au respect de son nom, de sa réputation et de sa vie privée.

Ces droits sont incessibles. »

35.« Toute personne a droit au respect de sa réputation et de sa vie privée.

Nulle atteinte ne peut être portée à la vie privée d'une personne sans que celle-ci y consente ou sans que la loi l'autorise. »

36. « Peuvent être notamment considérés comme des atteintes à la vie privée d'une personne les actes suivants:

(…)

3° Capter ou utiliser son image ou sa voix lorsqu'elle se trouve dans des lieux privés;

4° Surveiller sa vie privée par quelque moyen que ce soit;

[69] Rochon reproche à Archambault de l'avoir pris en photo alors qu'il travaillait sur les aires communes. Il lui reproche aussi de l'avoir à quelques reprises traité devant des tiers qui sont venus témoigner de ce fait à l'audience de « tapette » portant ainsi atteinte à son orientation sexuelle.

[71] Archambault avoue avoir prononcé le terme « tapette », mais elle ajoute que cela a été dit lors d'une conversation agressive avec le conjoint de Rochon. M. Parenteau qui lui-même traitait Archambault de noms odieux, le tout se terminant par une plainte au criminel qui fut rejetée faute de preuve. Archambault dit que le « bras d'honneur » s'adressait à Parenteau et non à Rochon.

[72] Quant aux photos, Archambault explique qu'elle a pris Rochon alors qu'il se trouvait sur les aires communes, et dans le but de faire la preuve de la discrimination dont elle faisait l'objet dans l'entretien de la bâtisse.

[73] La jurisprudence a établi qu'une photographie d'une personne prise dans un but de surveillance peut être justifiée si les motifs sous-tendant cette prise sont raisonnables, et si elle fut faite par des moyens raisonnables.[4]

[76] Le Tribunal rappelle que ce n'est que deux ou trois photos de Rochon qui furent prises par Archambault sur un lot d'une centaine de photos. Archambault n'a pas eu de comportement abusif à cet effet se limitant dans le nombre et captant l'image de Rochon pour un but précis, et non de façon aléatoire. Elle a pris des photos de façon non intrusive, photographiant Rochon alors qu'il se trouvait dans les aires communes.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

ACCUEILLE en partie la demande;

CONDAMNE le Syndicat des copropriétaires du Manoir St-Sulpice à payer à Céline Archambault la somme de 1 000 $ avec l'intérêt légal, et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec, depuis la mise en demeure du 22 septembre 2011, ainsi que les frais de 159 $;

REJETTE la demande contre les défendeurs Hélène Salvail, Éric Benoit et Jacques Rochon;

REJETTE la demande reconventionnelle du Syndicat des copropriétaires du Manoir St‑Sulpice;

ACCUEILLE en partie la demande reconventionnelle de Jacques Rochon;

CONDAMNE la demanderesse Céline Archambault à payer à Jacques Rochon la somme de 200 $ avec l'intérêt légal, et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec, depuis le 19 décembre 2011 date de la contestation, ainsi que les frais judiciaires de 77 $.

 


Dernière modification : le 16 novembre 2017 à 11 h 22 min.