Extraits pertinents : [1] Ce dossier porte sur la détermination du droit du défendeur Mario Larose et des mis en cause Daniel Dault, François Rossi, Réjean Brochu, Normand Nicole et Frank Artuso d’installer un quai à la limite d'un droit de passage qui donne accès au lac Beaulac dans la municipalité de Chertsey. Le demandeur Marcel Brown présente une demande d'injonction permanente requérant au défendeur et aux mis en cause de démanteler le quai et d’utiliser la servitude de passage comme il se doit. [3] Le demandeur demande également que le tribunal lui attribue une indemnité de 5 000 $ pour dommages consécutifs à l’installation d’un quai à l’extrémité du droit de passage et pour le comportement intimidant à son endroit. Les reproches à ce sujet sont adressés uniquement à l’endroit de monsieur Larose. [11] Plusieurs personnes utilisent ce quai, ce qui dérange le demandeur. L’intimité en est grandement diminuée. À l’occasion, on laisse traîner des objets dans l’emprise de la servitude de passage. Le témoin soumet que certains utilisateurs du droit de passage intimident son père. [18] Il est le demandeur dans le présent dossier. Monsieur Brown est âgé de 84 ans. Il est le propriétaire du chalet situé à proximité du droit de passage depuis 1993. Auparavant, le chalet appartenait à son père Ernest Brown qui l'avait acquis de madame Charpentier le 1eraoût 1969. [22] Une porte donnant accès à sa propriété est défoncée à quatre reprises au cours des dernières années. Il dit qu'on utilise son terrain et son quai. « Ces gens agissent comme s'ils étaient chez eux. » [23] Il installe une annonce indiquant « propriété privée », ce qui aurait eu pour effet d'insulter certaines personnes. Il vise le défendeur Larose, sa femme et son garçon. Il ajoute qu'en plus d’avoir déjà brisé sa porte, monsieur Larose lui a fait des menaces. Il dit de Larose qu’il est dangereux et qu’il le menace. [25] Il ajoute qu’il ne se sent pas chez lui et qu’il n’a plus d'intimité à cause de l’utilisation de ce quai. [27] Il a également vu des contenants de cinq gallons de gazoline traîner à proximité du quai, ce qui pouvait représenter un danger pour les enfants. Il ajoute que monsieur Larose rit et se fout de lui. Il s’est même fait faire des ( doigts d'honneur ). [28] On a même été jusqu’à utiliser son propre quai ( situé en face de son chalet ) et son pédalo. [29] À un moment donné, monsieur Brown entend du bruit à la porte, il ouvre et monsieur Larose entre, s'installe dans la cuisine et lui demande la permission de mettre son bateau, ce que monsieur Brown refuse. Monsieur Larose se choque, en disant qu'il est chez lui, qu’il a le droit de faire ce qu'il veut et ajoute : « Personne ne va me dire quoi faire, en haut c'est la famille Larose qui mène. » Marcel Brown [52] Il admet avoir brisé la porte donnant accès au terrain du demandeur avec qui il est en conflit. Il a posé ce geste en réaction aux problèmes qu’il avait avec ce dernier. [53] Sur la photo # 14, le témoin admet avoir cassé des branches dans le droit de passage, il jugeait que ces branches étaient dangereuses pour son fils lorsqu'il descendait en vélo. Cela représentait un risque pour une blessure à l'œil. Il admet ne pas avoir demandé la permission au demandeur, même si l'endroit où il coupait les branches était sur la propriété du demandeur. [63] On lui demande alors clairement s'il avait blasphémé à l'endroit du demandeur et lui avoir fait des signes de mains, il répond : « Bien sûrement ». Il ajoute que le demandeur l'a également envoyé promener. Par la suite, il dit essentiellement qu'il ne cherche pas le trouble et essaie de s'arranger avec les gens, mais lorsqu'il considère qu'on « l'écœure, » il réagit. Analyse [117] Le demandeur a 84 ans, près de 40 ans de plus que monsieur Larose. Le comportement agressif et harcelant de ce dernier n'a pas sa raison d'être. Lorsqu’il a brisé la porte donnant accès au chalet de monsieur Brown, il était certes frustré, mais ce comportement est intimidant, surtout à l’endroit d’une personne de 40 ans son aîné. [118] En coupant les branches sur une bonne partie du droit de passage, le comportement harcelant et intimidant du défendeur continuait. Monsieur Larose dit qu’il voulait protéger son fils de blessures possibles à l’œil, on peut douter qu’il s’agisse du seul motif de ses gestes. De toute manière, il savait qu’il aurait dû demander la permission aux propriétaires de ces arbres, dont monsieur Brown. Cela ajoutait à l’augmentation de la tension qui régnait entre messieurs Larose et Brown. [119] Il a soutenu que le demandeur avait agrandi son balcon dans le but d’avoir une vue sur le quai. Le demandeur avait parfaitement le droit de faire ce qu'il voulait chez lui. En présence d'une relation tendue, tout est prétexte à reproches. [120] Le tribunal a des doutes sur la version de monsieur Larose en ce qui concerne sa visite chez le demandeur et la discussion dans la cuisine. Il a indiqué au procès qu’il n’a pas haussé le ton, évidemment la version du demandeur est fort différente. Tout comme pour l’événement du party sur le quai, monsieur Larose a de la difficulté à admettre la réalité. Le ton qu’il a employé était un ton agressif et intimidant. [121] Le demandeur est une personne plutôt frêle, le défendeur costaud. Encore une fois, il est de 40 ans l’ainé du défendeur Larose. Cela n’est pas déterminant dans l’analyse faite par le tribunal, mais doit être pris en considération. [131] Peu importe qui a raison, le tribunal considère que la manière d'agir de monsieur Larose est tout à fait inappropriée et constitue dans le contexte du dossier un comportement civil fautif au sens de l'article 1457 C.c.Q. [132] Le demandeur a droit à une certaine quiétude. Concernant la perte de jouissance de leur propriété, le demandeur a en partie été privé de cette jouissance en raison des comportements identifiés dans la présente décision. [133] Qui plus est, le comportement du défendeur Larose constitue une forme d’atteinte à la vie privée. L'article 5 de la Charte des droits et libertés de la personne[16], ( la Charte ), mentionne que « toute personne a droit au respect de sa vie privée ». Les articles 35 et 36 C.c.Q.sont au même effet. [134] Les litiges se règlent devant les tribunaux, pas à coup de menaces ou d’intimidation. [135] Durant de nombreuses années, il ne se sentait plus chez lui, il se sentait intimidé, et ce, à cause du comportement de monsieur Larose. Le tribunal estime qu’une indemnité de 5 000 $ est tout à fait appropriée pour indemniser le demandeur de ces inconvénients. POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL : [136] ÉMET une ordonnance d’injonction permanente empêchant le défendeur Mario Larose et les mis en cause Daniel Dault, François Rossi, Réjean Brochu, Normand Nicole et Frank Artuso d’installer et d’utiliser un quai situé à l’extrémité de l’assiette de la servitude ; [137] ORDONNE au défendeur Mario Larose et aux mis en cause Daniel Dault, François Rossi, Réjean Brochu, Normand Nicole et Frank Artuso de procéder au démantèlement des installations déjà en place ; [138] CONDAMNE le défendeur Mario Larose à payer au demandeur Marcel Brown la somme de 5 000 $, plus intérêts et indemnité additionnelle à compter de l’assignation ; [139] LE TOUT avec dépens contre le défendeur Mario Larose. Dernière modification : le 16 novembre 2017 à 20 h 05 min.