Extraits pertinents :

[1] Un seul copropriétaire peut-il faire échec à l'installation de caméras de surveillance décidée par l'assemblée des copropriétaires.

[3] Depuis toujours, Boivin s'oppose à l'installation de caméras de surveillance. Il s'agit, dit-il, d'une atteinte à son droit à la vie privée.

[4] Boivin estime qu'un tel système de sécurité constitue un changement à la destination de l'immeuble laquelle requiert l'unanimité des copropriétaires et lui, s'oppose à ce projet.

[54] Ce litige est, en grande partie, basé sur la Charte des droits et libertés de la personne du Québec dont les dispositions pertinentes sont les articles 1,5,6 et 9.1.

art.1. Tout être humain a droit à la vie, ainsi qu'à la sûreté, à l'intégrité et à la liberté de sa personne[3].

art.5. Toute personne a droit au respect de sa vie privée.

art.6. Toute personne a droit à la jouissance paisible et à la libre disposition de ses biens, sauf dans la mesure prévue par la loi.

art.9.1. Les libertés et droits fondamentaux s'exercent dans le respect des valeurs démocratiques, de l'ordre public et du bien-être général des citoyens du Québec.

La loi peut, à cet égard, en fixer la portée et en aménager l'exercice.

[55]  Ce droit au respect de la vie privée est également protégé par les articles 3 et 35 du Code civil du Québec. L'article 36 considère une atteinte à la vie privée de surveiller la vie privée par quelque moyen que ce soit.

LA PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE

  1. b)L'affaire Shoal[5]

[72] L'usage de caméras de surveillance a fait l'objet d'une plainte à l'organisme chargé de protéger la vie privée en Colombie-Britannique. Le requérant y trouve appui car les copropriétaires dans cette affaire-là ont eu raison de s'y objecter.

[73] Dans l'affaire Shoal, les copropriétaires ne s'objectaient pas à la présence de caméras de surveillance comme dispositif de sécurité. Ils s'objectaient à ce qu'on s'en serve pour détecter les comportements non conformes aux règlements de l'immeuble.  Ils s'objectaient aussi à l'inspection journalière des bandes vidéo par deux personnes de l'immeuble. Ils ont eu raison.

[74] La décision Shoal met en lumière certaines normes d'évaluation de l'opportunité d'implanter un tel système.

[75] Telle décision doit être basée sur une évaluation de chaque cas en regard de la nécessité d'un besoin réel de surveillance. On doit en mesurer les bénéfices attendus et l'impact sur la vie privée.

  1. c) Les recommandations de la Commission d'accès à l'information du Québec

[79]  Cette Commission encadre, non seulement l'accès à l'information, mais aussi la protection de la vie privée. Elle a émis en juin 2004des règles sur l'utilisation de la vidéo-surveillance avec enregistrement dans les lieux publics par les organismes publics.

[80] La Commission n'a pas formulé de règles quant aux lieux privés.

[81] Le Syndicat Terrasse Le Jardin les a considérés dans la mise en œuvre des normes applicables à son système de surveillance.

[82] La Commission établit que l'utilisation de la vidéo-surveillance représente une forme d'intrusion dans la vie privée. L'implantation de pareil système doit répondre à un caractère de nécessité. L'objectif poursuivi doit être suffisamment important pour justifier la cueillette de renseignements personnels et être proportionnel à cet objectif.

DISCUSSION

[105] L'atteinte au droit du requérant à la vie privée se heurte au droit des autres copropriétaires à la sûreté de leur personne et de leurs biens. Lequel de ces droits doit prévaloir ?

[109] En fait, le demandeur n'est chez lui que dans sa partie exclusive, toutes les autres étant communes. Le mot commun veut dire que l'usage de ces parties est aussi exercé par les autres copropriétaires. Le demandeur, comme les autres, circule dans les corridors, l'entrée et le garage. L'espace commun est, par définition, partagé par tous les copropriétaires et il est déjà une atteinte au droit exclusif et par conséquent à la vie privée.

[112] Le requérant s'objecte à la prise de son image. Toutefois, l'édifice où il exerce sa profession est équipée d'un système comparable.  Le requérant, comme tout un chacun, va à l'épicerie, au dépanneur, à la station d'essence et au guichet bancaire, tous des endroits munis de caméras de surveillance.

[113]  Le demandeur dit accepter ces restrictions à son droit à la vie privée car, il s'agit d'une condition qu'il doit accepter pour fréquenter ces endroits.

[117] En 2008 et en 2009, la majorité des copropriétaires demande l'installation de caméras de surveillance (87.20 % en 2008 et 94.18 % en 2009). La démocratie a parlé. C'est la réalité de la vie en copropriété.

[120] Ce que le requérant craint en réalité, c'est qu'on puisse utiliser ces enregistrements à d'autres fins que de surveiller les malfaiteurs et que les bandes vidéo puissent être observées par deux copropriétaires.

[122] Tel que l'expriment les normes adoptées par la copropriété, le système est confidentiel (P-23). Il ne sera visionné que lors de la survenance de vols ou de vandalisme et, dans ce cas, pour aider l'enquête policière. Il faut bien que quelqu'un puisse distinguer les malfaiteurs des copropriétaires et ce sera la tâche de l'une ou de l'autre des personnes mandatées pour opérer le système.

[128] Le Tribunal estime que la question du nombre de caméras a peu d'incidence. Il y a ou il n'y a pas atteinte au droit à la vie privée.

[129] Le Tribunal estime ici que l'atteinte est minime et qu'elle se justifie dans le contexte de la protection d'un lieu partagé par tous les copropriétaires.

[177] POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL;

[178] REJETTE la requête introductive d'instance AVEC DÉPENS.

[179]  REJETTE la demande reconventionnelle SANS FRAIS.


Dernière modification : le 16 novembre 2017 à 18 h 56 min.