Extraits pertinents : [2] Cette plainte porte sur la collecte de renseignements personnels par l’entreprise à l’occasion d’une demande de location d’un logement. Le plaignant reproche également à l’entreprise d’avoir rejeté sa candidature au motif qu’il a refusé de fournir certains renseignements personnels. Les faits [4] Selon l’enquête, le plaignant a été invité par l’entreprise à compléter un formulaire intitulé « enquête APQ » de l’Association des propriétaires du Québec, lors d’une demande de location d’un logement situé à Longueuil. Il a fourni son nom, sa date de naissance, son adresse actuelle et une référence. Il a refusé de compléter la section relative à son emploi et à son institution financière. [6] Le demandeur a répondu que l’agence de crédit peut communiquer avec lui pour avoir plus de détails au besoin et qu’il a lui-même demandé une copie de sa fiche de crédit qu’il devait recevoir dans la journée ou le lendemain. Il a affirmé qu’il était disposé à fournir une copie de son dossier de crédit. [7] Quelques jours plus tard, soit le 31 juillet, l’entreprise a indiqué au demandeur que le logement est loué à une personne référée par une amie. [8] La plaignant considère que sa candidature a été refusée parce qu’il a refusé de fournir les renseignements personnels supplémentaires qui lui étaient demandés, notamment son numéro de permis de conduire et son NAS. Analyse [19] La plainte soulève des questions au sujet de deux aspects relatifs à la collecte de renseignements personnels : - La nécessité des renseignements personnels colligés au sujet des aspirants locataires; - Le refus de la candidature du plaignant au motif qu’il n’a pas fourni certains renseignements personnels." [21] En vertu de l’article 5 de la Loi sur le privé, l’entreprise ne peut recueillir que les renseignements personnels nécessaires à l’objet du dossier constitué au sujet d’un aspirant locataire, soit l’évaluation d’une demande de location de logement : 5. La personne qui recueille des renseignements personnels afin de constituer un dossier sur autrui ou d’y consigner de tels renseignements ne doit recueillir que les renseignements nécessaires à l’objet du dossier. [22] Il appartient à l’entreprise de démontrer la nécessité de recueillir des renseignements personnels, pour une finalité donnée, en lien avec l’objet d’un dossier qu’elle constitue au sujet d’une personne. [23] D’emblée, il importe de rappeler que l’article 5 de la Loi sur le privé est une disposition impérative. L’entreprise ne peut y déroger, même avec le consentement de la personne concernée3. Elle ne peut donc recueillir des renseignements qui ne sont pas nécessaires à l’objet du dossier sous prétexte que la personne concernée les a fournis sur une base volontaire. [24] Pour conclure au caractère nécessaire d’un renseignement personnel, l’entreprise doit démontrer, à l’aide d’éléments concrets et probants, que le ou les objectif(s) poursuivi(s) par cette collecte sont légitimes, importants, urgents et réels. De plus, l’entreprise doit démontrer que l’atteinte au droit à la vie privée que peut constituer cette collecte est proportionnelle aux objectifs poursuivis. Notamment, elle doit démontrer qu’il n’existe pas d’autres moyens moins attentatoires à la protection des renseignements personnels qui permettent d’atteindre ces objectifs. [25] Dans plusieurs décisions en matière de location de logement, la Commission a conclu que les informations suivantes au sujet d’un aspirant locataire sont généralement suffisantes pour l’évaluation d’une demande de location5 : - Des renseignements d’identité et de contact (pour vérifier son identité et le rejoindre); - Des renseignements concernant son comportement eu égard au respect des biens qui lui seront confiés et des autres locataires; - Des renseignements concernant sa capacité financière ou ses habitudes de paiement (capacité de payer son loyer pour la durée du bail). [26] Dans ces décisions, la Commission a précisé que seuls les nom, adresse et numéro de téléphone étaient nécessaires pour l’identification du candidat. En l’espèce, l’entreprise convient que seuls ces renseignements sont requis à des fins d’identification. [28] Enfin, concernant la capacité de l’aspirant locataire de s’acquitter du paiement du loyer, la Commission a conclu que les entreprises peuvent demander au candidat de fournir une attestation d’anciens locateurs, par exemple, ou l’extrait pertinent de son dossier de crédit. Elles peuvent aussi, avec le consentement de l’aspirant locataire, vérifier cette information auprès de tiers, par exemple auprès d’anciens locateurs ou d’un agent de renseignements personnels (vérification du dossier de crédit)7. [29] En l’espèce, l’entreprise n’a pas démontré la nécessité de recueillir d’autres renseignements personnels aux fins de l’évaluation de la candidature de l’aspirant locataire. Au contraire, elle admet que les informations demandées dans les sections « Emploi » et « Institution financière » du formulaire de l’APQ n’ont aucune incidence sur l’évaluation de sa candidature. [30] L’entreprise doit donc cesser de recueillir ces renseignements personnels qui ne sont pas nécessaires à l’évaluation de la candidature d’un aspirant locataire. [31] La Commission tient à souligner que l’utilisation d’un formulaire élaboré par l’APQ ne dispense pas l’entreprise de respecter les obligations qui lui incombent en vertu de la Loi sur le privé, notamment en matière de collecte de renseignements personnels. Elle doit s’assurer de ne recueillir que les renseignements nécessaires à l’évaluation de la demande d’un aspirant locataire. [34] En effet, le plaignant a refusé de fournir son numéro de permis de conduire et son NAS à cette fin. Il a offert que l’agent de renseignements personnels communique avec lui afin de lui fournir directement certains renseignements additionnels, au besoin, pour lui permettre de trouver son dossier. Il a aussi offert de donner lui-même sa fiche de crédit à l’entreprise puisqu’il en avait déjà fait la demande et devait la recevoir sous peu. [35] Dans ce contexte, la collecte du NAS et du numéro de permis de conduire n’était pas nécessaire pour permettre à l’entreprise d’évaluer le crédit et les habitudes de paiement du loyer du plaignant. Il existe d’autres moyens pour atteindre l’objectif poursuivi, moyens respectant davantage la vie privée du plaignant et des aspirants locataires que la collecte, par l’entreprise, de ces identifiants uniques pouvant faciliter l’accès à certaines bases de données et le vol d’identité s’ils se retrouvent entre les mains de personnes mal intentionnées. [36] L’entreprise doit donc cesser la collecte de ces identifiants. [38] L’article 9 de la Loi sur le privé prévoit : 9. Nul ne peut refuser d'acquiescer à une demande de bien ou de service ni à une demande relative à un emploi à cause du refus de la personne qui formule la demande de lui fournir un renseignement personnel sauf dans l'une ou l'autre des circonstances suivantes : 1° la collecte est nécessaire à la conclusion ou à l'exécution du contrat; 2° la collecte est autorisée par la loi; 3° il y a des motifs raisonnables de croire qu'une telle demande n'est pas licite. En cas de doute, un reseignement personnel est réputé non nécessaire. [39] Ainsi, une entreprise ne peut refuser de louer un logement à une personne du seul fait qu’elle refuse de fournir des renseignements personnels qui ne sont pas nécessaires à l’objet du dossier9. [45] Toutefois, l’affirmation de l’entreprise selon laquelle elle a loué à une autre personne « qui semblait représenter l’image la plus fidèle d’un locataire fiable » et dont elle a pu obtenir une vérification de crédit et des références, avant que le plaignant ne fournisse les renseignements au sujet de son dossier de crédit, amène la Commission à conclure que l’utilisation du formulaire de l’APQ et les pratiques de l’entreprise pourraient entraîner l’exclusion, de fait, d’un aspirant locataire qui requiert que ses droits en matière de protection des renseignements personnels soient respectés. CONCLUSION [48] À la lumière de l’enquête, des observations de l’entreprise et des autres éléments au dossier, la Commission conclut que l’entreprise a contrevenu à l’article 5 de la Loi sur le privé en recueillant, notamment par le biais du formulaire de l’APQ, des renseignements personnels concernant des aspirants locataires non nécessaires à l’objet du dossier, soit l’évaluation d’une demande de location de logement. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [49] DÉCLARE la plainte fondée en partie; [51] RECOMMANDE à l’entreprise d’adopter une politique claire concernant la collecte des renseignements nécessaires à l’évaluation d’une demande de location de logement, soit la vérification de l’identité des aspirants locataires, de leur comportement et de leurs habitudes de paiement et d’y préciser les conséquences d’un refus de fournir certains renseignements, le tout dans le respect des dispositions de la Loi sur le privé." Dernière modification : le 13 décembre 2017 à 17 h 34 min.