Extraits pertinents : [1] Le plaignant dépose le 6 mars 2009 une plainte à la Commission d’accès à l’information à l’endroit de son employeur, le Centre de santé et de services sociaux … (l’organisme), selon laquelle celui-ci aurait communiqué à des tiers des renseignements personnels de nature médicale le concernant sans son consentement. [2] Plus particulièrement, le plaignant reproche à l’organisme d’avoir communiqué à son supérieur, M. A , et à Me …, avocat de l’organisme dans des dossiers de griefs, une copie de deux expertises psychiatriques le concernant datées du 7 octobre et du 17 décembre 2008, et ce, sans qu’il ait consenti à cette communication. Les faits [5] Le plaignant s’absente du travail pour cause de maladie le 28 mars 2008. À la demande de Mme C… , du Service de santé et sécurité au travail de l’organisme, le plaignant rencontre le Dr … , psychiatre. Celui-ci procède à la rédaction d’une expertise psychiatrique le 7 octobre 2008 et à une « évaluation médicale indépendante » le 17 décembre suivant. [8] Il est pertinent de faire un résumé du contenu des deux expertises psychiatriques. L’expertise psychiatrique datée du 7 octobre 2008 [9] Cette expertise psychiatrique comporte dix pages à travers lesquelles le psychiatre décrit des informations qu’il a recueillies, comme les antécédents cliniques, l’historique personnel et familial du plaignant, y compris celui de son épouse. Ce document porte la mention suivante « Le contenu de ce rapport d’expertise est strictement confidentiel. Selon les lois en vigueur, il est strictement défendu aux personnes non autorisées d’en prendre connaissance et, à plus forte raison, d’en faire quelque usage que ce soit. » L’évaluation médicale indépendante datée du 17 décembre 2008 [12] L’évaluation médicale indépendante du 17 décembre 2008 comporte huit pages, porte la signature du Dr … et s’intitule « Évaluation médicale indépendante ». Les quatre premières pages de cette expertise sont constituées de renseignements recueillis par celui-ci eu égard notamment à l’histoire médico-chirurgicale et à l’histoire psychiatrique antérieures du plaignant et à la maladie qui l’affecte au moment où l’expertise est effectuée. Il fait également une revue du dossier médical de celui-ci. [13] Pour la deuxième partie (de deux pages) de cette expertise portant le titre « Conclusion », le médecin répond spécifiquement à six questions de l’organisme relatives notamment au diagnostic, à l’invalidité, à la médication du plaignant, à son aptitude à travailler et la date prévisible de son retour à temps complet au travail. La septième question porte le titre « Tout commentaire ou recommandation jugés pertinents ». [14] Par ailleurs, la troisième partie (de deux pages) de cette expertise psychiatrique porte le titre « Note médico-administrative ». Le médecin répond également aux questions de l’organisme, en se basant particulièrement sur une analyse qu’il a effectuée eu égard à la situation conflictuelle qu’éprouvait le plaignant dans son milieu de travail au moment où l’évaluation médicale a été demandée par l’organisme. [15] Lors de l’enquête, M. D…, Directeur des ressources humaines de l’organisme, indique à la Commission le 19 mai 2009 que ce dernier prend tous les moyens qui s’imposent afin de protéger la confidentialité des renseignements personnels contenus dans les dossiers de santé de ses employés. Le supérieur immédiat d’un employé n’a pas accès à ce type de dossier, à moins qu’un cadre en situation d’autorité en ait besoin dans l’exercice de ses fonctions afin de prendre une décision éclairée à l’égard de cet employé. [16] M. D. fait également remarquer que M. A. , mentionné dans la plainte, est directeur « de plusieurs programmes et patron de 14 cadres », incluant M. B. , le supérieur immédiat du plaignant. Il reconnaît que M. A. a été autorisé par l’organisme à avoir accès aux deux expertises psychiatriques avant la tenue d’une rencontre avec le syndicat dont le plaignant est membre. Cette rencontre avait pour but de trouver de possibles solutions relatives à une éventuelle réaffectation au travail du plaignant, puisqu’entre 2004 et 2008, celui-ci a déposé trois plaintes contre M. B., et s’est absenté du travail pour cause de maladie. Appréciation [33] Dans le cadre de l’enquête, l’organisme a été questionné sur la nécessité de rendre accessibles à M. A. l’intégralité des renseignements personnels contenus dans les deux expertises concernant le plaignant. Conformément à l’article 62 de la Loi sur l’accès, la communication de chacun de ces renseignements personnels devait être nécessaire à l’exercice des fonctions de M. A. : 62. Un renseignement personnel est accessible, sans le consentement de la personne concernée, à toute personne qui a qualité pour le recevoir au sein d'un organisme public lorsque ce renseignement est nécessaire à l'exercice de ses fonctions. En outre, cette personne doit appartenir à l'une des catégories de personnes visées au paragraphe 4° du deuxième alinéa de l'article 76 ou au paragraphe 5° du premier alinéa de l'article 81. [34] Le critère de nécessité s’applique selon les circonstances de chaque cas. À cet égard, l’interprétation de l’honorable juge Pigeon2 du mot « nécessaire », reprise par la Cour du Québec dans l’affaire Société de transport de la Ville de Laval c. X3, s’applique dans le cas présent : […] le mot « nécessaire » a en droit un sens très rigoureux, très rigide. Il s’entend exclusivement de ce qui est absolument indispensable. Dans le langage courant, on a tendance à employer le mot « nécessaire » pour dénoter simplement la grande utilité, la commodité. Mais « nécessaire » en droit veut dire une chose absolument indispensable, ce dont on ne peut rigoureusement pas se passer. En somme une nécessité inéluctable. [35] Selon ce qui précède et considérant les fonctions occupées par M. A. , la Commission considère qu’il avait la qualité pour recevoir certains des renseignements personnels contenus dans les expertises transmises à l’organisme par Dr ... Les fonctions de M. … exigeaient qu’il dispose de renseignements suffisants lui permettant d’intervenir dans le retour au travail du plaignant. [36] Toutefois, la Commission estime qu’il n’était pas nécessaire de communiquer l’intégralité de ces documents à M. A. afin qu’il se prépare à la tenue d’une rencontre avec le syndicat concernant le retour progressif du plaignant au travail. L’organisme n’était pas davantage justifié de communiquer à M. A. ces documents dans leur intégralité au seul motif que celui-ci est le directeur de plusieurs programmes et le patron de 14 cadres, y compris de M. B. , le supérieur immédiat du plaignant à l’endroit duquel celui-ci a déposé des plaintes de harcèlement psychologique. [37] M. A. devait donc disposer des seuls renseignements nécessaires à la prise de décision entourant le retour progressif au travail du plaignant. Plusieurs renseignements personnels concernant celui-ci et contenus dans les expertises débordent ce qui était nécessaire à la prise de décision de M. A. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [50] ORDONNE à l’organisme de détruire les cinq premières pages de l’exemplaire de l’expertise psychiatrique du 7 octobre 2008 qu’il a remis à M. A. ainsi que les quatre premières pages de l’exemplaire de celle datée du 17 décembre 2008 qu’il lui a également remis [51] RECOMMANDE à l’organisme, avant de procéder à la communication de renseignements personnels d’un membre de son personnel à une personne ayant la qualité pour les recevoir, de prendre les mesures nécessaires afin d’extraire tous les renseignements qui ne sont pas nécessaires à l’exercice des fonctions de cette personne. Dernière modification : le 13 décembre 2017 à 16 h 18 min.