Extraits pertinents :

[1] À la suite d’un incident survenu le 26 juin 2016 à l’Aéroport International Jean Lesage, madame Julie Snyder est informée qu’elle fait l’objet d’une surveillance de la part de monsieur Claude Viens et son employeur le Groupe Sécurité Garda Inc. (« Garda »).

[2]  De façon urgente et provisoire, elle demande au Tribunal l’émission d’une ordonnance Norwich[2] et d’une injonction afin de faire cesser la filature et de dévoiler l’identité de toutes personnes physiques et/ou morales ayant octroyé le mandat de surveillance.

[6] Quant au client de Garda, le mis en cause, John Doe, il ou elle n’a pas comparu au dossier.  Il ou elle se cache.  Il ou elle n’a donc pas expliqué l’intérêt sérieux et légitime d’avoir fait surveiller la vie privée de madame Snyder

[7] L’émission d’une ordonnance de type Norwich (aussi appelée « l’interrogatoire préalable en equity ») permet, entre autres, d’obtenir l’identité d’une personne en faute afin d’intenter les recours qui s’imposent.

[8]  Les critères applicables sont les suivants :

  1. a)            la demanderesse doit démontrer qu’il existe à première vue quelque chose à reprocher à l’auteur inconnu du préjudice;
  2. b)            la personne devant faire l’objet d’un interrogatoire préalable doit avoir quelque chose à voir avec la question en litige, elle ne peut être une simple spectatrice;
  3. c)            la personne devant faire l’objet de l’interrogatoire préalable doit être la seule source pratique de renseignements dont dispose la demanderesse;
  4. d)            la personne devant faire l’objet de l’interrogatoire préalable doit recevoir une compensation raisonnable pour les débours occasionnés par son respect de l’ordonnance, en sus de ses frais de justice;
  5. e)            l’intérêt public à la divulgation doit l’emporter sur l’attente légitime de respect de la vie privée; et
  6. f)            finalement, il faudra démontrer qu’il y a urgence.

[19] En l’espèce, le Tribunal estime que madame Snyder démontre de façon prépondérante qu’elle a une demande véritable ou légitime.  Les faits qu’elle relate dans son affidavit, appuyés par ceux de madame Cyr et de monsieur Harvey, démontre qu’elle faisait l’objet d’une surveillance et filature par monsieur Viens le 26 juin dernier.

[20] Les articles 5 de la Charte des droits et Libertés de la personne[3] et l’article 36 du Code civil du Québec[4] reconnaissent qu’une telle filature peut être une atteinte à la vie privée, à moins qu’une telle filature soit motivée par des motifs sérieux et rationnels.

[21] Madame Snyder ignore l’identité de la personne ayant confié le mandat de surveillance et aucun motif sérieux ne semble justifier cette filature, sans explication de la part de John Doe.

[22]  Les articles 49 de la Charte des droits et Libertés de la personne[5] et l’article 39 du Code civil du Québec[6] lui donnent le droit d’obtenir la cessation de l’atteinte illicite à son droit fondamental et d’obtenir accès au renseignement contenu à son dossier.

3.5   L’intérêt de la justice milite-t-il en faveur de l’octroi de la demande de divulgation?

[26]  Garda soumet qu’elle a une obligation de confidentialité envers son client à la fois règlementaire et contractuelle.

[27] Le Tribunal estime que les lois relatives à la protection des renseignements ne peuvent être invoquées pour refuser de communiquer un renseignement lorsqu’il est requis par un tribunal.

[28] Le Tribunal considère que le droit de madame Snyder d’obtenir l’identité de John Doe afin de mettre fin à l’atteinte illicite à son droit fondamental à la vie privée outrepasse les motifs soulevés par Garda de maintenir l’identité de leur client confidentielle.

  1.       DÉCISION

[39] Pour ces motifs, le Tribunal considère justifiée la demande de la demanderesse et ordonner à Garda et monsieur Viens de communiquer et/ou transmettre à madame Snyder l’identité de toute(s) personne(s) physique(s) et ou morale(s) lui ou leur ayant octroyé le mandat de surveillance.


Dernière modification : le 3 décembre 2017 à 16 h 28 min.