Extraits pertinents :

[1]  Par leur requête introductive d’instance amendée, les demandeurs Mme Martine Tremblay et M. Jasmin Binette (ci-après MmeTremblay ou M. Binette et/ou le couple Tremblay-Binette) recherchent une condamnation contre leurs voisins, les défendeurs M. Marcel Thibeault et Mme Johanne Simard (ci-après M. Thibeault ou Mme Simard et/ou le couple Thibeault-Simard) faisant valoir des troubles de voisinage.

[8]  Le couple Tremblay-Binette fait valoir qu’à compter du printemps 2008, le défendeur Thibeault épie leurs faits et gestes, multiplie la prise de photographies à leur égard, dont Mme Tremblay en maillot aux abords de sa piscine creusée.

[168]     Pour la résolution de la présente affaire, le Tribunal doit tenir compte de diverses dispositions législatives, entre autres :

CODE CIVIL DU QUÉBEC :

Art. 6         Toute personne est tenue d'exercer ses droits civils selon les exigences de la bonne foi.

Art 7         Aucun droit ne peut être exercé en vue de nuire à autrui ou d'une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l'encontre des exigences de la bonne foi.

Art. 35      Toute personne a droit au respect de sa réputation et de sa vie privée.

Nulle atteinte ne peut être portée à la vie privée d'une personne sans que celle-ci y consente ou sans que la loi l'autorise.

Art. 36      Peuvent être notamment considérés comme des atteintes à la vie privée d'une personne les actes suivants:

         1)      Pénétrer chez elle ou y prendre quoi que ce soit;

         2)      Intercepter ou utiliser volontairement une communication privée;

         3)      Capter ou utiliser son image ou sa voix lorsqu'elle se trouve dans des lieux privés;

         4)      Surveiller sa vie privée par quelque moyen que ce soit;

         5)      Utiliser son nom, son image, sa ressemblance ou sa voix à toute autre fin que l'information légitime du public;

         6)      Utiliser sa correspondance, ses manuscrits ou ses autres documents personnels.

Art. 37      Toute personne qui constitue un dossier sur une autre personne doit avoir un intérêt sérieux et légitime à le faire. Elle ne peut recueillir que les renseignements pertinents à l'objet déclaré du dossier et elle ne peut, sans le consentement de l'intéressé ou l'autorisation de la loi, les communiquer à des tiers ou les utiliser à des fins incompatibles avec celles de sa constitution; elle ne peut non plus, dans la constitution ou l'utilisation du dossier, porter autrement atteinte à la vie privée de l'intéressé ni à sa réputation.

Art. 976     Les voisins doivent accepter les inconvénients normaux du voisinage qui n'excèdent pas les limites de la tolérance qu'ils se doivent, suivant la nature ou la situation de leurs fonds, ou suivant les usages locaux.

CHARTE DES DROITS ET LIBERTÉS DE LA PERSONNE :

Art. 1         Tout être humain a droit à la vie, ainsi qu'à la sûreté, à l'intégrité et à la liberté de sa personne.

Art. 4         Toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation.

Art. 5         Toute personne a droit au respect de sa vie privée.

Art. 6         Toute personne a droit à la jouissance paisible et à la libre disposition de ses biens, sauf dans la mesure prévue par la loi.

Art. 49      Une atteinte illicite à un droit ou à une liberté reconnu par la présente Charte confère à la victime le droit d'obtenir la cessation de cette atteinte et la réparation du préjudice moral ou matériel qui en résulte.

ANALYSE ET DÉCISION

[181]     Il est évident qu’ils n’ont pas apprécié de découvrir que le couple Tremblay-Binette a accepté de fournir leurs installations à une firme privée pour vérifier les activités de M. Thibeault alors que ce dernier s’avère bénéficiaire de prestations de la CSST.

[182]     Ils ont dès lors décidé de faire payer ce choix à leurs voisins et c’est à partir de ce moment qu’ils organisent une traque de tous les instants quant à leurs activités habituelles dans le cadre de l’exploitation de leur fermette, lesquelles sont tout à fait légales et non répréhensibles, tel qu’en font foi les nombreuses plaintes non retenues à tous les niveaux.

[183]     En agissant de la sorte, le couple Thibeault-Simard agit illégalement et engage sa responsabilité.

[184]     C’est la raison pour laquelle le recours principal sera accueilli.

LES DOMMAGES

[186]     Le couple Tremblay-Binette réclame la somme totale de 47 800 $ se détaillant comme suit :

  1. a)        perte de temps reliée à la réception des différenets intervenants, inspecteurs, enquêteurs et journalistes : 240 heures à 20 $ de l’heure : 4 800 $;
  2. b)        perte de jouissance de leur propriété, troubles à leur quiétude : 500 $ par mois à compter du mois de mai 2008 : 72 mois à 500 $ : 36 000 $;
  3. c)        violation de la vie privée et du droit à l’image de la demanderesse Martine Tremblay par la prise de photo, notamment alors qu’elle était en maillot sur le bord de sa piscine : 2 000 $;
  4. d)        violation de la vie privée et du droit à l’image de Jasmin Binette : 1 000 $;
  5. e)        dommages, troubles et inconvénients généraux : 4 000 $.

[187]     S’il est vrai que les gestes posés par le couple Thibeault-Simard sont générateurs de droit et font en sorte que l’on se doive d’indemniser le couple Tremblay-Binette vu leur illégalité, il est également vrai, comme le suggère le procureur du couple Thibeault-Simard, que l’on se doit de se garder des les indemniser pour les plaintes et doléances de tous les intervenants au dossier.

[192]     Le Tribunal n’adhère pas à un calcul purement mathématique en nombre d’heures et d’indemnités mensuelles pour indemniser les demandeurs des comportements et incursions dans leur vie privée de la part de leurs voisins.

[193]     Dans le cas sous étude, c’est une indemnité globale que le Tribunal considère appropriée de décréter ce qui fait appel à l’exercice de la discrétion judiciaire.

[194]     Dans le contexte de la présente affaire, c’est à une somme de 15 000 $ que le Tribunal arbitre les dommages subis par les demandeurs.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[195]     ACCUEILLE en partie la demande;

[196]     CONDAMNE les défendeurs M. Marcel Thibeault et Mme Johanne Simard in solidum à verser la somme totale de 15 000 $ à MmeMartine Tremblay et M. Jasmin Binette;

[197]     REJETTE la demande reconventionnelle;

[198]     LE TOUT avec dépens.


Dernière modification : le 3 décembre 2017 à 13 h 23 min.