Extraits pertinents :

[2]  Le demandeur est un ancien joueur compulsif. Il a dû suivre une thérapie pour jeu pathologique. Le demandeur dépose une attestation pour dire qu'il a réalisé et complété une thérapie au Centre de réadaptation en dépendance et santé mentale de l'Estrie Jean-Patrice Chiasson / Maison St-Georges, en septembre 2008 ( P-6 ).

[27] Quant à la faute, le demandeur, qui est un ancien joueur compulsif, reproche au défendeur de le harceler en lui disant qu'il a gagné 16 800 $, 21 000 $ 37 800 $,           56 000 $ pour ensuite imprimer en petit des conditions irréalisables avec des coupons de retour en tentant de lui escroquer des 39,90 $ avec des frais de poste de 4,95 $ et en lui faisant parvenir un talon sous forme d'échantillon d'une somme qu'il aurait pu gagner et en faisant parvenir une lettre d'un certain Heidi Erhardt qui aurait gagné      140 000 $ et qui affirmerait qu'il se sent coupable, parce que c'est lui qui a gagné et non le demandeur, et il lui conseille de ne pas lâcher prise parce qu'il pourrait être le prochain gagnant.

[31] Le demandeur invoque notamment son droit d'être laissé tranquille et de ne pas subir de harcèlement de la part du défendeur. Ce principe a été reconnu par la jurisprudence. Il n'y a pas de doute que la victime de harcèlement commercial a le droit de demander la cessation de l'intrusion, d'une part et, d'autre part, de réclamer les dommages consécutifs à celui-ci.

[32] De même, eu égard au paragraphe 1 de l'article 36 du Code civil du Québec, qui édicte que peut être considéré comme des atteintes à la vie privée d'une personne le fait de pénétrer chez elle, en l'espèce le défendeur, par le service postal, envoie dans la résidence du demandeur du courrier lui faisant accroire qu'il va gagner des sommes importantes d'argent, mais toujours accompagné de multiples conditions. La question est la suivante:  le défendeur, en agissant ainsi, agit-il comme une personne raisonnable? La réponse est non. Le défendeur veut exploiter la naïveté des gens en leur faisant accroire qu'ils vont gagner des sommes importantes. Ce genre de comportement doit être sanctionné.

[33] Le demandeur invoque également l'article 35 du Code civil du Québec, qui édicte que toute personne a droit au respect de sa vie privée et que nulle atteinte ne peut être portée à la vie privée d'une personne.

[34] Le demandeur invoque aussi les articles 57 et 8 de la Charte des droits et libertés de la personne ( L.R.Q. c. C-12 ) :

« 5.  Toute personne a droit au respect de sa vie privée ».

« 7. La demeure est inviolable ».

« 8. Nul ne peut pénétrer chez autrui (…) sans son consentement exprès ou tacite. »

[36] Le préjudice moral ou extra patrimonial est souvent difficile à chiffrer d'une manière exacte ou même approximative. À combien peut-on chiffrer le dérangement causé à une personne harcelée par du courrier, par de la sollicitation non désirée, qui lui promet constamment qu'il va gagner une importante somme d'argent et en osant lui dire que ses chances seront meilleures s'il envoie une somme précise de 39,90 $? L'évaluation du préjudice est difficile à fixer. Mais, il y a un préjudice direct certain et réel qui est causé et qui doit être compensé, même s'il n'existe pas de base scientifique permettant de l'évaluer précisément. Néanmoins, parfois, la jurisprudence accorde parfois sous le nom de dommage nominal, une indemnité forfaitaire, dont le montant est laissé à l'appréciation du tribunal.

[37] En l'espèce, il y a lieu de décourager ce genre d'entreprise qui fait perdre bien du temps, qui consomme inutilement des tonnes de papier et qui stresse inutilement les récipiendaires. Elle leur laisse miroiter de faux espoirs, leur soutire un peu d'argent.  En l'espèce, le demandeur a été mis dans un état de stress constant durant de nombreux mois. Il a même demandé qu'on cesse l'envoi de ces lettres, mais le défendeur n'a pas obtempéré immédiatement à sa demande, sachant très bien que sa sollicitation peut créer une certaine dépendance.  À ce titre le tribunal accorde 5 000 $ au demandeur.

[38] Il n'y a pas litige en ce qui concerne le lien de causalité entre la faute et le dommage subi par le demandeur.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:

[39] CONDAMNE le défendeur à payer au demandeur 5 000 $ plus l'intérêt au taux légal de 5% l'an, plus l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québecà compter de la signification de l'action, le 12 novembre 2010.


Dernière modification : le 2 décembre 2017 à 15 h 37 min.