Extraits pertinents : [1] Le demandeur réclame aux défendeurs solidairement la somme de 29 500 $ à titre de dommages-intérêts détaillée comme suit : A) Dommages pécuniaires incluant honoraires et déboursés extra-judiciaires : ………………………………………………………………………………14 500 $ B) Dommages non pécuniaires comprenant dommages moraux pour communication de renseignements confidentiels, violation de la vie privée, détournement de son nom, atteinte à sa réputation, son honneur et sa dignité, troubles et inconvénients : :……………………………………..10 000$ C) Dommages punitifs en vertu de l’article 49de la Charte des droits et libertés de la personne[1]:……………………………………………………5 000 $ [2] Le demandeur tient les défendeurs responsables des dommages qu’il prétend avoir subis et qui découlent, selon lui, de l’utilisation non autorisée et illégale de son nom ainsi que de certaines renseignements personnels le concernant et ce dans le cadre d’une transaction concernant la vente d’un véhicule automobile. LES FAITS [12] Le demandeur est un amérindien qui réside sur la réserve de Kahnawake et qui possède le statut d’indien au sens de la Loi sur les Indiens.[3] [15] La défenderesse Sauvé est un concessionnaire automobile Chrysler qui opère son commerce à Ville Mercier, province de Québec, non loin de la réserve indienne de Kahnawake. [16] Pour les fins de cette première transaction, le demandeur fait affaires avec le défendeur Dugas, un vendeur automobile à l’emploi de la défenderesse Sauvé. [17] Ainsi, par contrat de bail intitulé «Retail lease» (pièce P-2), daté du 17 septembre 1996, le demandeur loue de la défenderesse Sauvé un véhicule automobile de marque Grand Cherokee Jeep, 1997. [19] Cependant, afin de pouvoir bénéficier de l’exemption relative au paiement des susdites taxes, le demandeur doit fournir certains renseignements en plus de remettre à la défenderesse Sauvé les documents suivants : a) Copie de son permis de conduire; b) Copie de sa carte de «bande» avec photographie; c) Formulaire de livraison attestant que le véhicule automobile faisant l’objet du bail (pièce P-2) a été loué à un amérindien résidant dans une réserve et que le véhicule a été livré sur la réserve en question (pièce P-19 c)); d) Informations financières pertinentes le concernant. [25] Plus particulièrement, au mois de mars ou avril 1997, le demandeur affirme qu’il reçoit un appel d’un représentant de Les Services de Financement Automobile Primus Canada Inc. ci-après désignée «Primus» qui lui demande la raison pour laquelle il n’effectue pas les versements dus aux termes d’un bail daté du 23 décembre 1996 (pièce P-19 g)) concernant la location d’un véhicule automobile de marque Land Rover 1995. [26] Stupéfait, le demandeur nie avoir conclu un tel contrat de location et demande au représentant de Primus de lui en transmettre une copie par télécopieur. [27] Le demandeur reçoit copie du contrat de location le ou vers le 15 avril 1997 et constate alors qu’il y est effectivement désigné comme locataire. [28] Le demandeur nie catégoriquement avoir conclu le contrat de location. Aussi, il nie être au courant des négociations qui ont pu mener à sa conclusion. D’ailleurs, non seulement le demandeur affirme ne pas avoir signé le contrat mais, au surplus, il affirme qu’il n’a jamais transigé avec la succursale de la Banque Toronto Dominion située sur la rue Bleury à Montréal. Cette banque est identifiée comme étant son institution financière audit contrat. [29] Le demandeur communique alors avec son avocate, Me Anjali Choksi, afin de la mettre au fait de la situation et lui demande de voir à rectifier le tout. De plus, il dépose une plainte formelle auprès des «Peaces Keepers » de Kahnawake et auprès de la Sûreté du Québec. [30] Voulant conserver son nom et sa crédibilité sur le plan du crédit et craignant que cette mésaventure ne lui nuise auprès du Ministère du Revenu du Québec qui, tel que mentionné précédemment, lui a délivré le permis l’autorisant à vendre du tabac sur la réserve de Khanawake, le demandeur communique avec la défenderesse Sauvé afin de la mettre au fait de la situation. Ensuite, il se rend au commerce de la défenderesse Sauvé et y rencontre son président, Pierre Courtois. Celui-ci offre de l’aider à régulariser la situation dans la mesure du possible. [49] Pour le Tribunal, le défendeur Dugas a conclu la transaction du 23 décembre 1996 avec le dénommé Sévigny en sachant pertinemment bien que le demandeur ne s’était pas porté acquéreur du véhicule automobile de marque Land Rover et en lui cachant l’existence même de la transaction. [50] La prépondérance de la preuve permet au Tribunal de conclure que le défendeur Dugas a utilisé les renseignements et documents à lui remis par le demandeur lors de la transaction du mois de septembre 1996 impliquant la Jeep, Grand Cherokee, et ce afin de monter cette transaction frauduleuse avec le dénommé Sévigny. [51] Tenant compte de ce qui précède, la responsabilité du défendeur Dugas à l’égard du demandeur ne fait aucun doute. À cet égard, seule reste à déterminer le montant des dommages auxquels le demandeur a droit. [58] Monsieur Courtois déclare qu’il a embauché le défendeur Dugas à titre de vendeur au mois de septembre 1996 après avoir obtenu de bonnes références à son sujet et ce auprès de ses deux anciens employeurs. [59] Monsieur Courtois reconnaît qu’il n’a pas vérifié les antécédents criminels du défendeur Dugas avant de procéder à son embauche pas plus qu’il ne s’est soucié de vérifier la solvabilité de celui-ci. [60] Or, à cet égard, la preuve a révélé que le défendeur Dugas a eu plusieurs démêlés avec la justice entre 1986 et 1988 et qu’il a soit plaidé coupable ou été trouvé coupable de diverses accusations de fabrication de faux, d’utilisation de faux, de fraude et de fausses déclarations à l’assurance-chômage. [61] De plus, en date du 29 mars 1996, le défendeur Dugas a fait cession de ses biens et il n’avait pas encore été libéré de la faillite lorsqu’il fut embauché par la défenderesse Sauvé. [63] Ceci étant, les documents qui ont été remis à la défenderesse Sauvé par le demandeur pour les fins de la transaction du mois de septembre 1996 on été conservés par elle dans le dossier du demandeur. Ce dossier se trouvait dans un classeur non verrouillé lui-même situé dans le bureau de la secrétaire des ventes. Ce bureau n’était pas verrouillé et tous les vendeurs, dont le défendeur Dugas, y avaient facilement accès. [73] L’action du demandeur en est une en dommages pour pertes pécuniaires et dommages moraux résultant de l’utilisation illégale d’informations confidentielles, pour non respect de la vie privée, pour atteinte à l’honneur et à la réputation et pour troubles et inconvénients. En l’espèce, la prescription applicable est celle de trois ans prévue à l’article 2925 C.c.Q. En conséquence, l’argument de la défenderesse Sauvé fondé sur la prescription est rejeté. [74] Tel que mentionné précédemment, la preuve révèle que la transaction intervenue le 23 décembre 1996 ayant trait à la location du véhicule automobile de marque Land Rover est une transaction frauduleuse qui a été faite non seulement sans le consentement du demandeur mais aussi à son insu. [75] La preuve démontre aussi que le défendeur Dugas, vendeur d’automobile à l’emploi de la défenderesse Sauvé a, en toute probabilité, orchestré cette transaction frauduleuse avec le dénommé Sévigny. Sa responsabilité envers le demandeur est engagée. [100] La preuve révèle que les renseignements en question étaient contenus dans le dossier du demandeur à l’intérieur d’un classeur situé dans le bureau de la secrétaire des ventes de la défenderesse Sauvé. Ce bureau des ventes ainsi que le classeur étaient non verrouillés et facilement accessibles à tous les vendeurs, sans restriction aucune. [101] Ceci étant, il convient de référer à l’article 10 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé[5]qui prévoit que : «Toute personne qui exploite une entreprise et recueille, détient, utilise ou communique des renseignements personnels sur autrui doit prendre et appliquer des mesures de sécurité propres à assurer le caractère confidentiel des renseignements.» [102] Or, en l’espèce, la preuve a révélé que la défenderesse Sauvé n’a pris aucune mesure de sécurité pour assurer le caractère confidentiel des renseignements qui lui furent communiqués par le demandeur. De plus, en l’espèce, le défendeur Dugas a fait approuver la transaction par monsieur Francoeur, directeur des ventes de la défenderesse Sauvé. Or, selon la preuve, celui-ci ne s’est assuré que de la validité du titre du véhicule automobile sans vérifier aucun autre fait et sans communiquer avec le demandeur afin de valider le fait même de la transaction. [103] Ce laxisme de la défenderesse Sauvé dans la façon de valider la transaction et dans la façon d’assurer la confidentialité des renseignements de ses clients constitue une faute génératrice de responsabilité au sens de l’article 1457 C.c.Q. et cette faute est causale des dommages subis par le demandeur. Ceci étant, vu le contrat d’assurance émis en sa faveur et vu l’article 2501 C.c.Q., la responsabilité de la défenderesse Liberty est donc engagée envers le demandeur. B) DOMMAGES NON PÉCUNIAIRES COMPRENANT DOMMAGES MORAUX ET TROUBLES ET INCONVÉNIENTS. [118] La preuve présentée à l’audience a révélé qu’il y a eu violation de la vie privée du demandeur, communication de renseignements confidentiels le concernant, détournement de son nom ainsi qu’atteinte à sa réputation et à sa dignité. [119] Ceci étant, le Tribunal estime qu’un montant de 5 000 $ est suffisant à titre de compensation pour l’ensemble des dommages subis par le demandeur à ce chapitre. [122] De plus, vu l’utilisation illégale de renseignements personnels le concernant et tenant compte de la nature de la transaction intervenue le 23 décembre 1996, il y a eu, par le fait illicite et intentionnel du défendeur Dugas, atteinte à la vie privée du demandeur. Cela justifie que le défendeur Dugas soit condamné à lui payer un montant de 5 000 $ à titre de dommages punitifs. PAR CES MOTIFS, le Tribunal : REJETTE l’action du demandeur contre la défenderesse Sauvé, Plymouth Chrysler (1991) Inc., sans frais; ACCUEILLE EN PARTIE l’action du demandeur à l’égard des défendeurs Raymond Dugas et Liberty Mutual Insurance Company; CONDAMNE le défendeur Raymond Dugas à payer au demandeur la somme de 5 000 $ à titre de dommages punitifs avec intérêts au taux légal à compter de la date de ce jugement; CONDAMNE les défendeurs Raymond Dugas et Liberty Mutual Insurance Company solidairement à payer au demandeur la somme de 7 000 $ avec intérêts au taux légal plus l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 C.c.Q. à compter de l’assignation, avec dépens. Dernière modification : le 13 décembre 2017 à 14 h 04 min.