Extraits pertinents :

[1] La demanderesse réclame de la défenderesse (RDA) la somme de 44 803,55$ qui se divise comme suit :

  •       21 628,55$ à titre de temps supplémentaire impayé;
  •       3 175$ à titre de rémunération impayée comme consultante;
  •       10 000$ en dommages suite au piratage de ses dossiers personnels par la défenderesse;
  •       10 000$ en dommages pour avoir agi de façon à l'empêcher de se trouver un autre emploi dans son domaine de compétence.

[5] Le 8 septembre 2008, la demanderesse est engagée par la défenderesse à titre de responsable du site Internet de RDA (Web Editor) pour un salaire annuel de 50 000$, comme en fait foi la lettre d'engagement produite comme pièce P-1.

[6] Il s'agit d'un emploi temporaire d'une durée approximative de 12 mois qui doit servir à remplacer madame Jennifer Reynolds durant son congé de maternité.

[8]  Madame McNally indique que le travail augmentait continuellement et qu'il était difficile de se limiter à huit heures par jour, ce qui fait qu'elle réduisait au minimum ses heures de lunch, travaillait dans le train et même à domicile.  Elle dépose comme pièce P-2 le tableau, préparé par elle, des heures supplémentaires effectuées entre le 15 septembre 2008 et le 15 septembre 2009.

[9] Après un an, soit vers le 9 septembre 2009, RDA lui offre d'être contractuelle, donc d'être rémunérée à l'heure (25$/hre mais pas plus de sept heures par jour), ce qu'elle accepte.

[11] Le 9 novembre 2009, madame McNally arrive à son bureau et constate que son ordinateur est « gelé » : on l'avise avoir trouvé un message courriel écrit par elle et avouant avoir surfacturé son employeur (D-1, courriel du 20 octobre 2009 à 1 :44 PM).  RDA met alors fin à leur entente.

[18] Il se souvient de quatre rencontres avec elle : la première fois, madame McNally voulait s'enquérir de la satisfaction de monsieur Goyette à son endroit après un mois de travail.  Lors de leur deuxième rencontre, la demanderesse lui a offert de rédiger un manuel de procédures : il lui aurait répondu que ça n'était pas son rôle.  La troisième rencontre concernait les six jours que RDA avait demandé aux employés de donner bénévolement à la compagnie qui traversait alors une période difficile ; à noter que cette politique ne visait pas la demanderesse.  Enfin, la quatrième rencontre fut tenue après que la demanderesse eut rencontré sa superviseure de Toronto, Kat Tancock, et Cynthia Shannon, une collaboratrice, qui se disaient insatisfaites de son travail puisqu'elles avaient constaté de nombreuses coquilles tant sur le site Web de RDA que dans l'imprimé des textes édités par elle.

[22]   Il confirme en outre avoir vu et lu sur le poste de travail de madame Reynolds le courriel D-1 dans lequel madame McNally avoue, avec une certaine satisfaction, avoir effectué du travail au service des relations publiques de RDA et avoir surfacturé la compagnie pour ce travail.  C'est suite à cet incident que la demanderesse fut congédiée.

[25] Quant au manuel de formation préparé par la demanderesse, madame Reynolds mentionne qu'une telle tâche ne relevait pas de madame McNally, que personne ne lui avait demandé de préparer un tel manuel et qu'il s'agissait donc d'un surplus de travail inutile qu'elle s'est elle-même imposé.

[28] En septembre 2009, madame Reynolds dit avoir trouvé son ordinateur ouvert en revenant d'un travail à l'extérieur, ce qui, en soi, était plutôt curieux, de même que le courriel D-1 sur son écran, où madame McNally avouait avoir surfacturé RDA.  Encore plus curieusement, ce courriel se trouvait dans un dossier personnel de madame Reynolds.

[54] Madame McNally réclame 10 000$ en dommages punitifs pour atteinte à sa vie privée, affirmant qu'on a fouillé dans les fichiers personnels de son ordinateur pour trouver le fameux courriel D-1 où elle avoue avoir surfacturé RDA.  Elle écrivait alors ceci :

« (…) BUT I was smart and billed them separately —P.R. is paying me for doing it and I overcharged them. »

[55] Or, la preuve révèle plutôt que ce courriel a été trouvé sur l'ordinateur de madame Reynolds auquel la demanderesse avait accès.  Ce courriel précis, qui fait partie d'une série produite en liasse, a été écrit le 20 octobre 2009 à 1:44 PM (ou 13h44) à partir de son adresse courriel gmail.com, accessible de n'importe quel ordinateur selon la preuve.

[59]  Et même si la version de madame McNally comme quoi le message a été capté sur son ordinateur au bureau était véridique, cela ne constituerait pas pour autant une violation de la vie privée, comme le souligne la Cour d'appel dans Ste-Marie c. Placements J.P.M. Marquis inc.[2] :

« [24]   En l'espèce, la nature de l'information en cause ne se rattache pas à la vie privée de Ste-Marie mais bien à l'exécution de ses fonctions comme chef de chantier de Dupéré chez le client Marquis.  La conversation survient à l'occasion de l'exécution des fonctions en question.  Sans aucun doute Ste-Marie souhaitait-il que cette conversation reste secrète, mais il ne pouvait entretenir à cet égard une expectative raisonnable fondée sur le respect de sa vie privée.  Si, plutôt que d'être enregistrée, cette conversation avait été surprise par un salarié de Marquis, qui l'avait rapportée à ce dernier, Ste-Marie n'aurait pu alléguer violation de sa vie privée. Le fait que la conversation ait, plutôt, été enregistrée ne change rien à ce constat, qui découle de la nature de la conversation en cause et de son rattachement aux fonctions de Ste-Marie ou, plus exactement, de son rattachement à la violation des obligations lui incombant de par ces fonctions.

[26]      (…) la conversation interceptée a eu lieu sur les lieux du travail, pendant les heures de travail. Les expectatives légitimes de vie privée de l'individu sont forcément moins élevées dans ce contexte et, en pareil cas, le contenu de la conversation peut être pertinent à la détermination de l'existence de la violation de la vie privée. Or, la conversation en cause ici, comme on l'a vu précédemment, ne se rattache pas à la vie privée de Ste-Marie.

[27]      Certes, l'existence d'uin contrat de travail ne signifie pas que le salarié abandonne toute expectative de vie privée au regard de son emploi, comme le reconnaît d'ailleurs notre Cour dans Syndicat des travailleurs(euses) de Bridgestone-Firestone de Joliette (CSN) c. Trudeau 1999 CanLII 13295 (QC CA), [1999, R.J.Q. 2229], mais son droit, bien sûr, doit être concilié avec le cadre du contrat en question et avec les obligations du salarié envers l'employeur. »

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

ACCUEILLE en partie la réclamation de la demanderesse;

CONDAMNE la défenderesse à payer à la demanderesse la somme de 2 625$ avec les intérêts au taux de 5% l'an et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec à compter de l'assignation;

CHAQUE PARTIE assumant ses propres frais.


Dernière modification : le 29 novembre 2017 à 12 h 53 min.