Extraits pertinents :

Il y a 15 caméras sur place, situées aux points d’entrée et de sortie et dans toutes les zones de l’établissement y compris la salle d’éviscération où se trouvent les postes de travail des employés de l’ACIA. Les caméras sont activées par le mouvement mais n’ont pas de capacité de rotation ni de zoom. Les images captées sont enregistrées numériquement sur le disque dur et remplacées automatiquement lorsqu’il ne reste plus de mémoire. Les caméras sont utilisées par le chef d’établissement qui possède un écran de contrôle dans son bureau.

La caméra de la salle d’éviscération filme les employés de l’ACIA à leurs postes de travail. Puisque les employés de l’ACIA surveillent également les autres zones de l’établissement, il se peut que d’autres caméras enregistrent leurs allées et venues dans le lieu de travail.

La société affirme que les caméras servent à garantir la sécurité et à surveiller l’hygiène, la sécurité et l’innocuité des produits. En appui à l’argument de sécurité, la société cite un incident où l’un de ses camions a été volé et où elle a pu remettre à la police une photographie du voleur grâce aux caméras. Il y a également eu des vols d’équipement et de produits. Le plaignant n’a pas contesté l’utilisation de caméras à des fins de sécurité, ni leur installation aux points d’entrée et de sortie de l’établissement à cette fin.

Quant aux autres fins, la société laisse entendre que les caméras permettent au chef d’établissement de réagir rapidement aux problèmes pouvant découler d’une interruption dans la chaîne de production. Par exemple, en cas de bris mécanique, le chef d’établissement sait immédiatement à quel endroit se trouve le mécanicien et peut l’appeler sur le lieu du problème. Le chef d’établissement et ses chefs d’équipe utilisent des walkies-talkies pour communiquer immédiatement en cas de problèmes concernant la chaîne de production.

La société n’a pas donné au Commissariat d’exemples montrant comment les caméras l’avaient aidée à garantir la sécurité sanitaire des produits alimentaires. D’après les témoins, les caméras ne peuvent prendre des photos détaillées de l’état de chaque animal et sont donc inutiles en ce qui concerne la sécurité sanitaire du produit.

Conclusion 

 Le principe 4.3 précise que toute personne doit être informée et consentir à toute collecte, utilisation ou communication de renseignements personnels qui la concernent, à moins qu’il ne soit pas approprié de le faire. Les exceptions au consentement sont décrites à l’article 7 de la Loi sur la protection des renseignements personnels et des documents électroniques (la Loi). Les deux alinéas pertinents à la présente plainte sont l’alinéa 7(2)a), selon lequel une organisation peut utiliser des renseignements personnels à l’insu de l’intéressé et sans son consentement seulement si, dans le cadre de ses activités, elle découvre l’existence d’un renseignement dont elle a des motifs raisonnables de croire qu’il pourrait être utile à une enquête sur une contravention au droit fédéral, provincial ou étranger qui a été commise ou est en train ou sur le point de l’être, et l’utilisation est faite aux fins d’enquête, puis l’alinéa 7(2)b), qui permet à une organisation d’utiliser des renseignements personnels à l’insu de l’intéressé et sans son consentement seulement si l’utilisation est faite pour répondre à une situation d’urgence mettant en danger la vie, la santé ou la sécurité de toute personne.

Le paragraphe 5(3) précise que l’organisation ne peut recueillir, utiliser ou communiquer des renseignements personnels qu’à des fins qu’une personne raisonnable estimerait acceptables dans les circonstances.

La commissaire adjointe a commencé ses délibérations en mentionnant que ses conclusions se limitaient à la collecte des renseignements personnels concernant les employés de l’ACIA, recueillis par la caméra vidéo braquée directement sur leur poste de travail dans la salle d’éviscération. Elle a par conséquent délibéré de la façon suivante :

  • L’organisation a mentionné la sécurité sanitaire du produit comme motif pour installer une caméra vidéo au poste de travail des employés de l’ACIA. Bien que cette fin semble appropriée, la commissaire adjointe se demande si elle répond aux quatre questions que le bureau a déjà posées pour déterminer la pertinence d’une mesure telle que la surveillance vidéo. Les questions sont les suivantes :
    • Est-il possible de faire la preuve que la mesure est nécessaire pour répondre à un besoin particulier?
    • Est-elle susceptible d’être efficace pour répondre à ce besoin?
    • L’invasion de la vie privée est-elle proportionnelle à l’avantage qui en découlera?
    • Existe-t-il un autre moyen moins envahissant qui pourrait permettre d’atteindre le même objectif?
  • Bien que la société prétende que la caméra est utile pour surveiller la sécurité sanitaire des produits alimentaires, elle ne présente aucune preuve à l’appui de cette affirmation. Comme le fait remarquer la commissaire adjointe, les inspecteurs de l’ACIA et le vétérinaire sont responsables de l’innocuité des produits alimentaires et de l’assurance qualité et sont sur les lieux quand la chaîne de production est en fonction. De plus, la société a trois chefs d’équipe qui sont continuellement dans le secteur de la production. La commissaire adjointe a de la difficulté à comprendre comment une caméra dans cette zone – une caméra qui ne peut donner une image précise des animaux – peut servir à vérifier la sécurité sanitaire du produit quand les personnes chargées de veiller à cette sécurité se trouvent elles-mêmes sur les lieux, en train de surveiller la production.
  • Ainsi, la commissaire adjointe a conclu que le recours à la surveillance vidéo dans la salle d’éviscération ne semble pas justifié pour assurer la sécurité sanitaire du produit et ne serait probablement pas efficace pour répondre à ce besoin. Comme elle l’a mentionné, le besoin de vérifier la sécurité sanitaire du produit est déjà comblé par les inspecteurs fédéraux. Elle a aussi rappelé que les mêmes inspecteurs fédéraux sont chargés de surveiller l’hygiène des employés et le font pendant qu’ils sont à leurs postes de travail. S’il faut agir rapidement en cas de bris mécanique ou d’équipement, il serait possible de le faire d’une manière portant beaucoup moins atteinte à la vie privée en faisant appel à l’un des trois chefs d’équipe.
  • Elle a conclu que l’utilisation des caméras braquées sur les postes de travail du plaignant et des autres inspecteurs de l’ACIA constitue une ingérence évidente dans leur vie privée. D’ailleurs, il est prouvé que la société a tenté d’utiliser les bandes vidéo pour miner le travail du plaignant et des inspecteurs. Cependant, tous ces incidents se sont produits avant le 1er janvier 2004, moment où la société a été assujettie à la LPRPDÉ et, depuis, il n’y a pas eu d’autres tentatives d’utiliser les bandes vidéo de cette façon.
  • En somme, la commissaire adjointe a constaté que la société recueillait des renseignements personnels au sujet du plaignant sans son consentement, à l’encontre du principe 4.3, à des fins qui, examinées de près, ne seraient pas estimées acceptables dans les circonstances, en vertu du paragraphe 5(3).

La commissaire adjointe a conclu que la plainte relative à la collecte était fondée.

Quant à la divulgation à l’employeur des renseignements personnels du plaignant, recueillis sur bande vidéo, la commissaire adjointe a établi que le Commissariat n’avait pas la compétence pour rendre une conclusion à cet égard, vu que les événements en cause se sont produits avant la mise en application complète de la loi.


Dernière modification : le 6 janvier 2018 à 14 h 06 min.