Extraits pertinents :

1] Le demandeur (Lavigne) réclame à la défenderesse (Heppell) la somme de 7 000 $ pour des dommages que cette dernière lui aurait causés alors qu'elle aurait coupé sa haie de cèdres.

[5] La haie de cèdres qui a fait l'objet de la taille est située sur la propriété de Lavigne.  Celle-ci se situe, en partie, en bordure de la propriété de Heppell.

[8]  Lavigne soutient que Heppell a coupé les cèdres de 8 à 12 pouces selon le cas. Il dit qu'au moment de la coupe les cèdres avaient de 6 ½ à 8 pieds de haut.

[20] Heppell admet avoir taillé la haie de cèdres en ramenant la partie de celle-ci qui longeait sa propriété à 6 pieds.  Elle s'était informée à la municipalité une ou deux années auparavant et on lui aurait dit que la hauteur maximale était de 6 pieds ou 2 mètres.  Elle n'a pas porté plainte car elle ne voulait pas que Lavigne ait à tailler la totalité de sa haie de cèdres.

[26] Heppell a reconnu ici avoir taillé une partie de la haie de cèdres de Lavigne, et ce, sans son consentement.  Heppell a ainsi reconnu qu'elle a commis une faute.

[27] Au terme de l'article 1457 C.c.Q., Heppell est donc tenue de réparer le préjudice moral ou matériel qui aurait pu être causé à Lavigne.

[28] En matière de réparation de préjudice cependant, « seule peut être accordée une indemnité égale au dommage réellement subi[1] ».

[29] En ce qui concerne le préjudice matériel, Lavigne réclame à Heppell la somme de 3 450 $ soutenant que des cèdres de 12 à 18 pouces coûtent 30 $ chacun.  La question qui se pose ici consiste donc à savoir si Lavigne a réellement subi un dommage s'élevant à ce montant de 3 450 $.  Le Tribunal conclut que non.  Lavigne n'a pas déboursé cette somme et, selon la preuve soumise, il ne sera pas appelé à le faire dans le futur.  Les cèdres ne sont pas morts, ils ne doivent pas être remplacés et dans bien des cas ils ont ré-atteint la hauteur qu'ils avaient avant la taille.

[31] En ce qui concerne le préjudice moral, Lavigne réclame 1 500 $ en soutenant que « la coupe des cèdres expose plus au public son terrain et sa vie privée ».

[32] Jean-Louis Beaudoin dans son ouvrage, La Responsabilité civile, 7e édition[2], explique les difficultés que l'on rencontre lorsque vient le temps de chiffrer le préjudice moral.

« 1-361 – Dommages nominaux – Le préjudice moral ou extrapatrimonial est souvent difficile à chiffrer d'une manière exacte ou même approximative. Combien, par exemple, vaut la peine ressentie suite à l'intervention de la dépouille d'un proche avec celle d'un autre défunt ? À combien peut-on chiffrer l'humiliation de la victime d'une diffamation d'un acte de discrimination raciale, d'une personne internée abusivement, d'une personne exposée au ridicule public, d'une personne abonnée malgré elle à quelque 134 revues, le dérangement causé à un individu harcelé par des appels téléphoniques, l'humiliation à la suite d'une arrestation ou d'une détention arbitraire ou d'une agression sexuelle? Dans tous ces cas cependant, le préjudice est direct, certain et réel et doit donc être compensé, même s'il n'existe pas de base scientifique permettant de l'évaluer précisément. Cette difficulté fait que parfois la jurisprudence accorde sous le nom de dommage nominal une indemnité forfaitaire dont le montant, en général peu élevé, est laissé à l'appréciation souveraine du tribunal ».

[33]  Il ressort de ces propos que le seul préjudice qui doit être compensé est celui qui est direct, certain et réel.

[34] Or, Lavigne n'a pas décrit en quoi le fait d'accroître l'exposition du terrain au public lui occasionne un préjudice.  Au contraire, il a été très candide et clair.  Il ne va pratiquement pas dans la partie du terrain où les cèdres ont été taillés.  Lorsqu'il y va, c'est par obligation pour y couper le gazon.  Autrement il n'irait pas.  Par ailleurs, le terrain dans sa limite sud est déjà pleinement exposé au public puisqu'il n'y a pas de cèdres sur cette ligne de la propriété.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:

ACCUEILLE en partie la demande du demandeur;

CONDAMNE la défenderesse à payer au demandeur la somme de 250 $, avec intérêt au taux de 5 % l'an, et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec, à compter de la demande en date du 16 janvier 2012, plus les frais judiciaires au montant de 163 $.


Dernière modification : le 29 novembre 2017 à 12 h 36 min.