Extraits pertinents :

Contexte :

[5] À la suite d’une expertise dont elle a fait l’objet le 19 juin 2003, la plaignante a soumis à la Commission, le 28 juillet 2003, deux plaintes, l’une à l’endroit de son employeur en vertu de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, dossier 03 15 53, et l’autre à l’endroit du médecin, en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, dossier 03 18 42.

[7] La demanderesse est à l’emploi du Service aérien gouvernemental sous l’autorité du Secrétariat du Conseil du trésor. Elle assume des fonctions de… .

[8] Le 2 février 2002, la plaignante soumet à son employeur une plainte concernant les difficultés qu’elle éprouve dans son milieu de travail. Tenant compte de la documentation disponible en matière de gestion des ressources humaines, l’employeur propose de former un comité paritaire patronal-syndical pour faire l’examen de la situation.

[10] Ces démarches ont conduit l’employeur à s’interroger sur la capacité de la plaignante d’exécuter ses tâches de … et, le cas échéant, sur l’encadrement requis pour cette travailleuse.

[12] Le 17 juin 2003, la directrice des ressources humaines de l’employeur confie au Dr Denis Jobidon le mandat de procéder à une expertise de la plaignante. L’organisme prend soin d’adresser au médecin certaines questions particulières en fonction des préoccupations de l’employeur.

[13] Le 19 juin 2003, le Dr Denis Jobidon rencontre la plaignante et produit, le même jour, son rapport d’expertise, qu’il adresse au médecin de l’employeur, le Dr Louis Godin.

[15] À ce stade, il est important de mentionner que dans le cadre de son expertise, le Dr Denis Jobidon conclut à l’absence de pathologie de sorte que l’employeur est informé que l’employée peut exécuter ses tâches usuelles.

[16] Le rapport d’expertise du Dr Denis Jobidon, duquel on a retiré quelques mots, est par la suite acheminé à Mme Brigitte Chandonnet de la Direction des ressources humaines de l’employeur. Mme Chandonnet travaille sous l’autorité de la directrice des Ressources humaines, Mme Carole Labbé.

[18] Mme Chandonnet a également fait parvenir une copie de ce rapport d’expertise aux membres du comité paritaire qui avait été constitué à la suite du dépôt de la plainte. En prenant les précautions requises dans les circonstances pour en assurer la confidentialité, Mme Chandonnet a fait parvenir le document à M. Réjean Trottier, représentant l’employeur. M. Trottier l’a par la suite remis à M. P… V… du SFPQ.

QUESTIONS À CONSIDÉRER

[41] Premièrement, la plaignante soumet les questions suivantes :

 La cueillette de renseignements personnels la concernant n’était pas justifiée puisqu’il n’était pas nécessaire de procéder à une expertise médicale, dans sa situation.

 Dans son rapport d’expertise le Dr Denis Jobidon a inscrit des renseignements personnels qui ne sont pas nécessaires, ils doivent être retirés.

 Le rapport d’expertise du Dr Denis Jobidon a été communiqué à des personnes qui ne sont pas habilitées à en prendre connaissance.

DÉCISION

[42] Premièrement, la plaignante soumet que la cueillette de renseignements personnels la concernant n’était pas justifiée puisqu’il n’était pas nécessaire de procéder à une expertise médicale, dans sa situation.

[45] En fait, du point de vue de l’application de la Loi sur l’accès, la nécessité de la collecte de renseignements personnels doit être considérée par l’expert à partir du moment où il commence à recueillir des renseignements au sujet de la personne expertisée, notamment, au moment de l’entrevue, de même qu’au cours de la rédaction du rapport d’expertise.

[46] À l’égard de cette première question, la plainte doit être rejetée, la Commission n’a pas la compétence pour réviser la décision de l’employeur de demander une expertise médicale.

[47] Deuxièmement, la plaignante soumet que dans son rapport d’expertise le Dr Denis Jobidon a inscrit des renseignements personnels qui ne sont pas nécessaires, ils doivent être retirés.

[49] Le critère de nécessité concernant la collecte, la communication ou la conservation des renseignements personnels est indispensable au respect de la vie privée et doit être appliqué avec rigueur, notamment lorsqu’il s’agit de renseignements relatifs à l’état de santé de la personne concernée.

[50] L’article 64 de la Loi sur l’accès énonce le principe fondamental applicable aux innombrables situations de collecte de renseignements dans le secteur public

64 Nul ne peut, au nom d'un organisme public,
recueillir un renseignement personnel si cela n'est pas
nécessaire à l'exercice des attributions de cet organisme
ou à la mise en oeuvre d'un programme dont il a la
gestion.

Un organisme public peut toutefois recueillir un
renseignement personnel si cela est nécessaire à
l'exercice des attributions ou à la mise en œuvre d'un
programme de l'organisme public avec lequel il collabore
pour la prestation de services ou pour la réalisation d’une
mission commune.

La collecte visée au deuxième alinéa s’effectue dans le
cadre d’une entente écrite transmise à la Commission.
L’entente entre en vigueur 30 jours après sa réception par
la Commission.

[53] En effectuant sa collecte de renseignements, l’expert ne peut pas présumer que la personne concernée a donné un consentement valide concernant la nécessité, même si celle-ci a accepté volontairement de se soumettre à l’expertise.

[54] Le critère de nécessité s’applique sans égard au consentement de cette personne. Dans un domaine d’expertise spécialisée, la présomption du consentement de la personne concernée ne résiste pas à l’analyse, justement à cause de la connaissance spécialisée qui est requise pour comprendre la nécessité de la collecte des renseignements personnels en cause.

[58] Ces éléments servent à la Commission pour l’analyse de la nécessité de recueillir des renseignements personnels au sens de la Loi sur l’accès. Cette analyse s’effectue en fonction des circonstances de chaque dossier, en prenant en considération les principes dégagés par la décision de la Cour du Québec dans la décision Société de transport de la Ville de Laval c. X , la décision J.B. c. Centre hospitalier de Verdun et la décision Mme A et M. B c. M. C et Mme D7

[62] Troisièmement, la plaignante soumet que le rapport d’expertise du Dr Denis Jobidon a été communiqué à des personnes qui ne sont pas habilitées à en prendre connaissance.

[64] L’accès à des renseignements personnels sans le consentement de la personne concernée est notamment régi par l’article 62 de la Loi sur l’accès.

62. Un renseignement personnel est accessible, sans
le consentement de la personne concernée, à toute
personne qui a qualité pour le recevoir au sein d'un
organisme public lorsque ce renseignement est nécessaire
à l'exercice de ses fonctions.

En outre, cette personne doit appartenir à l'une des
catégories de personnes visées au paragraphe 4° du
deuxième alinéa de l'article 76 ou au paragraphe 5° du
premier alinéa de l'article 81.

[65] Ainsi, il faut non seulement s’interroger sur la qualité d’une personne pour recevoir un renseignement sans le consentement de la personne concernée mais également sur la nécessité que cette même personne prenne connaissance dudit renseignement.

[72] La Commission en arrive à la conclusion qu’il n’était pas nécessaire à l’exercice des fonctions des membres du personnel de l’organisme et du SFPQ de recevoir les trois parties du rapport d’expertise du Dr Denis Jobidon. En fait, la première partie du rapport, à savoir les pages 1 à 10, aurait dû faire l’objet d’un élagage complet par le Dr Louis Godin avant d’être remis à M. André Pruneau.

[73] Enfin, il y a lieu de s’interroger concernant les personnes qui ont eu accès au rapport.

[76] M. P… V…, représentant syndical au sein du comité paritaire, a par la suite communiqué le rapport à d’autres membres du syndicat, Mme L… D… ainsi que Mme C… D…. À n’en pas douter, ces communications ont été effectuées dans l’objectif d’apporter un support à la plaignante. Toutefois, la Commission n’est pas en mesure, à partir des éléments qui lui ont été communiqués, de conclure concernant la validité de la communication du rapport d’expertise à ces personnes. La plaignante n’a pas fait de commentaire à ce sujet. En fait, la communication du rapport d’expertise par les membres du comité paritaire ne pouvait s’effectuer que dans les seules circonstances permises par la Loi sur l’accès, le cas échéant en obtenant le consentement de la personne concernée.

[77] L’organisme qui a mis en place le comité paritaire devait prendre les mesures pour que les membres de ce comité respectent ce cadre légal.

[78] Dans ces circonstances, il y a lieu de recommander que l’organisme obtienne les garanties nécessaires des membres de ces comités paritaires concernant les règles de confidentialité applicables dans les circonstances.

POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION :

[79] DÉCLARE la plainte fondée en partie;

[80] DÉCLARE que l’employeur n’a pas démontré la nécessité de communiquer la première partie du rapport d’expertise du Dr Denis Jobidon du 19 juin 2003 (pages 1 à 10), à M. André Pruneau, Mme Brigitte Chandonnet, Mme Carole Labbé, M. Daniel Beaupré, de la Direction des ressources humaines, ainsi qu’à M. Réjean Trottier et M. P… V…, du comité paritaire;

[81] RECOMMANDE à l’employeur de s’assurer que les personnes qu’il désigne membres de comité paritaire appliquent aux renseignements personnels 03 15 53 Page : 14 qui leur sont communiqués une protection équivalente à celle qu’il est lui-même chargé d’appliquer en vertu de la Loi sur l’accès;

[82] RECOMMANDE à l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour extraire de toutes les copies qui n’ont pas été détruites la première partie de l’expertise du Dr Denis Jobidon (pages 1 à 10). Il s’agit des copies communiquées à M. André Pruneau, Mme Brigitte Chandonnet, Mme Carole Labbé, M. Daniel Beaupré, M. Réjean Trottier et M. P… V….


Dernière modification : le 13 décembre 2017 à 16 h 12 min.