Extraits pertinents : [8] Khouibaba demande à la Cour d’émettre contre les défendeurs une ordonnance d’injonction permanente leur interdisant de colporter ou mentionner à son sujet des propos mensongers, diffamatoires ou trompeurs ou encore des accusations fausses ou calomnieuses. [9] Le demandeur réclame aussi des dommages moraux de 100 000 $ et des dommages punitifs de 50 000 $. [18] Khouibaba est journaliste et éditeur du site internet «Maghreb Observateur». Depuis son arrivée au Québec, il a toujours eu une grande implication auprès de la communauté maghrébine. [19] Najahi est propriétaire du journal Atlas.MTL, une publication destinée principalement à la communauté maghrébine. Dades, quant à lui, est l’éditeur du journal Atlas.MTL. [20] Au mois de janvier 2009, Khouibaba convient d’une entente de service avec la chaîne de télévision marocaine «2M». [21] Peu de temps après, «2M» reçoit d’un certain Mohammed Khalladi, qui dit agir pour le «Regroupement des Marocains de Montréal», un document dans lequel il affirme que le demandeur a monnayé les reportages qu’il a effectués pour le compte de «2M», ce qui constitue selon Khouibaba un mensonge. [22] Or, la preuve démontre que Mohammed Khalladi et le «Regroupement des Marocains de Montréal» n’existent tout simplement pas. [23] Le demandeur prétend que les noms ci-dessus ne sont rien d’autre que des pseudonymes utilisés par les défendeurs. [24] Au mois de juin 2009, le journal Atlas.MTL fait paraître un article affirmant que Khouibaba avait «un casier judiciaire long comme le bras». L’article reproduisait le casier en question. Atlas.MTL publiait de nouveau la même information au mois de juillet suivant. [25] La poursuite de Khouibaba découle de cette double publication. [26] Par ailleurs, Najahi fonde principalement la sienne sur le fait que Khouibaba aurait révélé publiquement et à plus d’une reprise, principalement dans des vidéos mis en ligne sur internet, le casier judiciaire du défendeur alors qu’il avait obtenu un pardon. [32] De leur côté, Najahi et Dades justifient la publication des pièces P-11 et P-13 de la façon suivante. Après avoir reçu par écrit d’une source anonyme ce que Atlas.MTL a qualifié de «casier judiciaire long comme le bras», les défendeurs ont fait des vérifications au plumitif. Cela les a convaincus de l’existence des informations qu’ils ont publiées par la suite. [33] La seconde publication des mêmes renseignements découle du fait que Khouibaba n’avait pas respecté, selon eux, un jugement du Tribunal. Ils ont donc agi en représailles. [34] Les défendeurs admettent qu’à l’époque de ces évènements, le tirage d’Atlas.MTL atteignait 5 000 copies. En ce qui concerne la réputation et la vie privée [50] La Charte des droits et libertés de la personne (LRQ, c C-12) consacre, à titre de libertés et droits fondamentaux, le droit d’une personne à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation (art. 4) et au respect de sa vie privée (art. 5). [51] Quant à lui, le Code civil du Québec réitère le droit de toute personne au respect de sa réputation et de sa vie privée (art. 35). [52] La loi interdit donc la diffamation, c’est-à-dire l’atteinte fautive à la réputation d’autrui. Dans Société Radio-Canada c. Radio Sept-Îles Inc. (1994 CanLII 5883 (QC CA), [1994] R.J.Q. 1811], la Cour d’appel définit ainsi la diffamation : «La diffamation se définirait génériquement comme l'atteinte fautive à la réputation d'autrui. Elle prend des formes diverses. Écrite ou verbale, elle peut être le fait des médias écrits ou électroniques. Elle résulte parfois de la simple communication d'informations erronées ou sans intérêt, ou bien qu'exactes, diffusées sans intérêt public ou, parfois, de commentaires ou de critiques injustifiés ou malicieux. Dans tous les cas, à la base de la responsabilité, il faut cependant que l'on retrouve une faute délictuelle ou quasi-délictuelle» (à la page 1817). [53] Enfin, l’article 1457 C.c.Q. énonce les conditions générales de la responsabilité en ces termes : «[1457.] Toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s’imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui. Elle est, lorsqu’elle est douée de raison et qu’elle manque à ce devoir, responsable du préjudice qu’elle cause par cette faute à autrui et tenue de réparer ce préjudice, qu’il soit corporel, moral ou matériel. Elle est aussi tenue, en certains cas, de réparer le préjudice causé à autrui par le fait ou la faute d’une autre personne ou par le fait des biens qu’elle a sous sa garde.» [54] Le demandeur et les défendeurs réclament tous trois des dommages moraux et punitifs. Chacun estime en effet qu’il y a eu atteinte illicite et intentionnelle à sa réputation et à sa vie privée. [59] Le Tribunal estime que la poursuite du demandeur principal est bien fondée en fait et en droit pour les motifs qui suivent. [60] Khouibaba est convaincu que les véritables auteurs de la pièce P-16 sont les défendeurs eux-mêmes. Toutefois, il n’a pas déchargé son fardeau de preuve à ce sujet. [61] Ceci n’autorisait pas pour autant Najahi et Dades à publier, deux fois plutôt qu’une, les articles P-11 et P-13. Ceux-ci ont fait l’objet d’une publication dans la version papier ainsi que dans la version internet du journal des défendeurs. [62] Les articles en question constituent une atteinte illicite et intentionnelle à la réputation et à la vie privée du demandeur principal. [64] L’article P-11 identifie en tout 29 dossiers concernant Khouibaba. Or, seulement trois d’entre eux ont trait à des condamnations de nature criminelle. Deux d’entre elles remontent à 1988 et 1999. [63] En effet, ils contiennent des propos mensongers et de fausses accusations à l’endroit de Khouibaba, laissant croire que celui-ci est un véritable criminel alors que tel n’est pas le cas. [65] Tous les autres dossiers concernent presque toujours des causes civiles. Parfois, il s’agit d’affaires de nature criminelle aux termes desquelles le demandeur principal a été acquitté ou libéré. Dans un cas, la poursuivante a même retiré les accusations. [66] Pourtant et pour les 29 dossiers ci-dessus, l’article identifie Khouibaba comme étant l’accusé. On utilise aussi, même pour les causes civiles, l’expression «nature de l’infraction»! [67] Cette Cour ne retient pas les témoignages de Najahi et de Dades voulant qu’ils aient publié les articles en question parce que les informations provenaient de deux sources différentes et qu’on les avait vérifiées. À l’évidence, une telle vérification, si elle a eu lieu, est lacunaire. [70] Khouibaba réclame 100 000 $ de dommages moraux pour atteinte à sa réputation, stress, troubles, ennuis et inconvénients. Il réclame aussi des dommages punitifs de 50 000 $. [71] Dans un cas comme dans l’autre, la preuve présentée par le demandeur ne justifie pas l’ampleur des montants qu’il réclame. [72] En ce qui a trait aux dommages moraux, son témoignage ne convainc guère. Il prétend qu’il ne peut plus fréquenter la communauté marocaine de peur qu’on pense qu’il soit un criminel, que le ministre Ameur ne lui parle plus et que le ministre québécois de l’immigration ne l’invite plus. [75] Par ailleurs, la diffusion du journal des défendeurs, dans chacune de ces versions n’est pas des plus importantes. [76] Le Tribunal estime donc que l’octroi d’une somme de 20 000 $ sera suffisant pour compenser les dommages moraux subis par Khouibaba. [78] Cependant et bien que la faute des défendeurs ne soit pas dénuée de gravité, on ne connaît rien de leur situation patrimoniale. Cette Cour ignore la capacité de chacun d’eux d’acquitter une condamnation de nature monétaire. Il ne faut pas oublier que les défendeurs auront également des dommages moraux à payer à Khouibaba. [79] Dans les circonstances, des dommages punitifs de 10 000 $ sont suffisants pour assurer leur fonction préventive. CONCLUSIONS [90] Pour ces motifs, le Tribunal statuant sur les demandes de chacune des parties : [91] ORDONNE de façon permanente aux défendeurs ainsi qu’à tout représentant, officier, employé ou mandataire de journaux et sites internet sous le contrôle des défendeurs de ne pas colporter ou mentionner au sujet du demandeur, que ce soit directement ou par personne interposée, par quelque moyen de communication que ce soit, des propos mensongers, diffamatoires ou trompeurs ou des accusations fausses ou calomnieuses à l’égard du demandeur; [92] CONDAMNE solidairement les défendeurs Rachid Najahi et Abdelghani Dades à payer au demandeur Abderrahim Khouibaba 20 000 $ à titre de dommages moraux et 10 000 $ à titre de dommages punitifs avec intérêts et indemnité additionnelle. [93] Le tout avec dépens contre les défendeurs; Dernière modification : le 29 novembre 2017 à 12 h 01 min.