Extraits pertinents :

[1]   Dans son édition du 26 mai 2006, le journal, The Gazette, propriété de Publications CanWest Inc. (CanWest), publie un reportage de Mary Lamey (Lamey) intitulé "Sex and Real Estate … A Toxic embrace".

[2]   José A. Martinez Di Bona (Di Bona) et Anobid Construction Corp. (Anobid), visés par l’article, intentent une action en diffamation pour atteinte à leur réputation et à leur vie privée et réclament des dommages moraux et exemplaires.

[7]   En mars 2004, Lise Anne Charrier (Charrier), qui avait alors une relation amoureuse avec Di Bona, a signé un contrat préliminaire pour une unité du projet les Terrasses; le contrat préliminaire ne contenait pas toute la considération qui devait être versée selon l’entente des parties.

[8]   Par la suite, Charrier a versé la somme de 92 000 $ à titre de mise de fonds, en divers versements, par chèques et traites bancaires.

[11]  Le 27 mai 2005, Charrier a rencontré Di Bona à son bureau et les parties, suite à une dispute, ont rompu leur relation amoureuse.

[12] Peu après, Di Bona a remis à Charrier certains documents pour signature, dont un acte de pré-occupation.  Charrier a refusé de les signer.

[15] Le 25 août 2005, Charrier a poursuivi Di Bona et Anobid devant la Cour supérieure, dans le dossier #500-17-027185-050 (l’action en dommages) pour demander, notamment, l’annulation du contrat préliminaire, le remboursement de la mise de fonds de 92 000 $ et le paiement des travaux.

[17] En janvier 2006, des photos de Di Bona et du projet les Terrasses sont prises par The Gazette pour un article, qui a paru le 28 janvier 2006.  Cet article était élogieux pour les demandeurs.

[19] En avril 2006, Lamey a contacté Di Bona pour obtenir ses commentaires sur les litiges l’opposant à Charrier.  Di Bona a parlé à Lamey, sans réserve, et lui a expliqué le contexte des litiges dans le but de la convaincre de ne rien publier à ce sujet.

[23]  Le 27 mai 2006, The Gazette a publié un article de Lamey dans la section Affaires du samedi intitulé "Sex and Real Estate… A toxic embrace"; l’article a été accompagné d’une photo de Di Bona et d’une photo du projet les Terrasses prises en janvier 2006 lors du reportage antérieur.

[24] Le 30 mai 2006, Me Robitaille a sommé The Gazette et Lamey de se rétracter et de publier une lettre de réponse de Di Bona du même jour.

LE DROIT

[27]  La réputation et la vie privée sont protégées par les articles 3 et 35 C.c.Q

3. Toute personne est titulaire de droits de la personnalité, tels le droit à la vie, à l'inviolabilité et à l'intégrité de sa personne, au respect de son nom, de sa réputation et de sa vie privée.

Ces droits sont incessibles.

35. Toute personne a droit au respect de sa réputation et de sa vie privée.

Nulle atteinte ne peut être portée à la vie privée d'une personne sans que celle-ci y consente ou sans que la loi l'autorise.

[28]  La réputation et la vie privée sont aussi protégées par les articles 4 et 5 de la Charte des droits et libertés de la personne[1] (la Charte) :

4. Toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation.

5. Toute personne a droit au respect de sa vie privée.

[44] L’article indique que "Developer José Di Bona has  $92,000 of her (Charrier’s) money.  He has the condo".  Or, cette assertion est erronée et véhicule une impression fausse que Di Bona est un promoteur malhonnête qui abuse de son pouvoir en conservant en sa possession une mise de fonds de 92 000 $ ainsi que l’unité.  Non seulement la mise de fonds de 92 000 $ n’était plus réclamée par Charrier mais, en plus, elle avait été consignée à la Cour.  Or, Lamey savait, le 26 mai 2006, la veille de la parution de l’article, que la mise de fonds de 92 000 $ avait été consignée à la Cour.  Le Tribunal retient le témoignage crédible de Me Robitaille sur cette question.  Le 25 mai 2006, dès qu’il a eu en sa possession le certificat de dépôt judiciaire et le reçu (P‑50), Me Robitaille a téléphoné à Lamey.  Elle a retourné l’appel le 26 mai 2006 et Me Robitaille l’a alors informée de la consignation de la mise de fonds de 92 000 $.  Il lui a aussi offert de lui faxer les documents et elle lui a dit que ce n’était pas nécessaire.  Le 15 août 2006, Me Robitaille a fait un mémo (P-54) qui relate ces événements.  Le Tribunal a pu apprécier combien Me Robitaille regrettait d’avoir fait confiance à Lamey et de n’avoir pas faxé les documents.

[45] Bien que Lamey ait su, avant la parution de l’article, que l’assertion était fausse, elle a choisi néanmoins de ne pas modifier l’article et de le laisser paraître tel quel.  En effet, toute la trame de l’article en aurait été modifiée.

[64]  Lamey et The Gazette ont commis les fautes décrites ci-haut qui ont fait que l’article, pris dans son ensemble, a déconsidéré la réputation des demandeurs. Il y a eu diffamation.

[65] La défenderesse n’a pas fait valoir de circonstances qui tendraient à nier l’existence d’une faute, tel que nous l’enseigne la Cour suprême, dans Prud’homme c. Prud’homme[13].

[66] La défenderesse n’a pas non plus fait la preuve que l’article était dans l’intérêt public.  Il y a donc eu atteinte à la vie privée de Di Bona (incluant, dans son cas le droit à l’image) et à celle d’Anobid.

[68]  Les tribunaux ont souvent souligné l’importance du droit au respect de la réputation et de la vie privée.  Di Bona a expliqué, avec émotion, comment l’article l’avait humilié et combien il s’était senti honteux.  Il n’a pas pu continuer à œuvrer dans le domaine de la construction d’immeubles, mais a plus choisi de faire de la location d’immeubles pour le moment.

[69] Il y lien de causalité entre les fautes et les dommages.

LES DOMMAGES MORAUX

[70] La somme octroyée doit, entre autres, démontrer à la communauté que la réputation de Di Bona et d’Anobid est restaurée.

[71]  Le Tribunal considère qu’une somme de 40 000 $ pour Di Bona et 10 000 $ pour Anobid est appropriée.

[73]  POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[74] CONDAMNE Publications CanWest Inc. à payer à José A. Martinez Di Bona, à titre de dommages moraux, la somme de 40 000 $, avec intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue par la loi à compter de la signification de la requête introductive d’instance;

[75] CONDAMNE Publications CanWest Inc. à payer à Anobid Construction Corp., à titre de dommages moraux, la somme de 10 000 $, avec intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue par la loi à compter de la signification de la requête introductive d’instance;

[76] LE TOUT, avec dépens, y compris les frais d’expertise de Marc-François Bernier, au montant de 14 531,18 $.


Dernière modification : le 26 novembre 2017 à 12 h 16 min.