Extraits pertinents : [2] Cette plainte porte sur la collecte par la CSC de renseignements personnels non nécessaires à l’exercice de ses attributions, soit d’offrir des services éducatifs aux résidents du Québec [3] Plus particulièrement, à la demande de la préposée de l’école que fréquente sa fille, le plaignant lui a présenté son permis de conduire comme pièce d’identité permettant d’établir son lieu de résidence au Québec. Après avoir vérifié les informations, cette dernière en a fait une photocopie et l’a classée au dossier de l’élève. Cette vérification est faite pour compléter le dossier de l’élève. [6] Il ressort de cette enquête que la CSC a suivi la directive du MELS prévue dans un guide à l’intention des commissions scolaires3 qui exige que celles-ci collectent et conservent une copie d’une pièce d’identité permettant d’établir le lieu de résidence du parent et le statut de l’élève au Québec, pour toutes nouvelles admissions et toutes nouvelles inscriptions. [10] Si la pièce d’identité présentée est la carte d’assurance maladie ou le permis de conduire, la directive du MELS prévoit que le numéro doit être noirci sur la photocopie déposée au dossier de l’élève. [15] Dans ses observations, le MELS explique l’importance d’établir le statut de résident des élèves qui fréquentent les écoles du Québec afin de déterminer quels sont les élèves auprès de qui des droits de scolarité doivent être exigés et lesquels sont exemptés de la contribution financière. Cette responsabilité incombe aux commissions scolaires. [19] Une copie des pièces justificatives est recueillie aux fins de contrôle et le MELS s’appuie sur les normes établies en matière d’audit pour affirmer que les pièces justificatives doivent être copiées et conservées. [21] Il suggère qu’il serait possible de retirer le permis de conduire et la carte d’assurance maladie de la liste des pièces justificatives confirmant l’adresse de résidence et de donner comme directive aux écoles de ne pas collecter ces pièces. Toutefois, si le parent ou l’étudiant exhibe le permis de conduire ou la carte d’assurance maladie comme pièce justificative et consent à ce qu’une photocopie en soit faite tout en noircissant les numéros, alors l’école pourra collecter ces pièces d’identité. Analyse [22] La Loi sur l’accès prévoit qu’un organisme public ne peut recueillir que les renseignements personnels nécessaires à l’exercice de ses attributions ou à la mise en œuvre d’un programme dont il a la gestion : 64. Nul ne peut, au nom d’un organisme public, recueillir un renseignement personnel si cela n’est pas nécessaire à l’exercice des attributions de cet organisme ou à la mise en œuvre d’un programme dont il a la gestion [23] Le critère de nécessité s’interprète à la lumière de la finalité poursuivie par l’organisme qui recueille des renseignements personnels. [24] Dans l’affaire Laval6 , la Cour du Québec propose d’interpréter l’exigence de nécessité de la manière suivante : [44] […] Un renseignement sera donc nécessaire non pas lorsqu’il pourra être jugé absolument indispensable, ou au contraire simplement utile. Il sera nécessaire lorsque chaque fin spécifique poursuivie par l’organisme, pour la réalisation d’un objectif lié à ses attributions, sera légitime, importante, urgente et réelle, et lorsque l’atteinte au droit à la vie privée que pourra constituer la cueillette, la communication ou la conservation de chaque élément de renseignement sera proportionnelle à cette fin. Cette proportionnalité jouera en faveur de l’organisme lorsqu’il sera établi que l’utilisation est rationnellement liée à l’objectif, que l’atteinte est minimisée et que la divulgation du renseignement requis est nettement plus utile à l’organisme que préjudiciable à la personne. Autrement, le droit à la vie privée et à la confidentialité des renseignements personnels devra prévaloir. [25] En 2010, la Cour du Québec7 a appliqué à nouveau ce test lors de l’interprétation du critère de nécessité en précisant que : [153] Ce test a l’avantage de tenir compte de la nature du renseignement et du besoin réel de l’organisme dans l’exercice de ses attributions en comparant le degré d'exigence que commande le besoin à l’expectative du préjudice pouvant être causé par l’atteinte aux droits de la personne. [154] Ce test a pour effet pratique de soupeser les besoins de l’un dans l’optique de la finalité de ses fonctions et le préjudice pouvant être causé à l’autre. [27] Ainsi, l’organisme doit démontrer, à l’aide d’éléments concrets et probants, que les objectifs poursuivis par la collecte du permis de conduire et de la carte d’assurance maladie sont légitimes, importants, urgents et réels et que l’atteinte au droit à la vie privée que peut constituer cette collecte est proportionnelle à ces objectifs. [29] Le MELS a élaboré un guide à l’intention des commissions scolaires qui doivent exiger la preuve du statut de l’élève au Québec. On y suggère une liste de documents sur lesquels figurent le nom et l’adresse de la personne qui peuvent être requis. [31] La Commission reconnaît le droit pour un organisme public de vérifier l’identité d’une personne à qui il fournit des services. Comme l’a affirmé le MELS, il ne peut exiger la production de pièce d’identité spécifique, comme le permis de conduire ou la carte d’assurance maladie. Il peut néanmoins demander des pièces d’identité reconnues pour confirmer son identité. [35] En l’espèce, l’organisme conserve une copie de la pièce d’identité exhibée. Selon la preuve présentée, cette collecte serait justifiée par les normes canadiennes d’audit qui stipulent que l’objectif de l’auditeur est de concevoir et de mettre en œuvre des procédures d’audit qui lui permettront d’obtenir des éléments probants suffisants et appropriés pour être en mesure de tirer des conclusions raisonnables10 . [38] L’élève doit démontrer qu’il réside au Québec pour avoir droit aux services éducatifs gratuits. Il est donc légitime pour les organismes de vérifier le statut de résident au Québec. [40] Cependant, cette validation ne permet pas de recueillir les identifiants même en les masquant par la suite. De plus, le Code de la sécurité routière et la Loi sur l’assurance maladie n’autorisent pas les organismes concernés à recueillir les informations contenues sur ces cartes. [41] Le MELS n’a pas démontré que les objectifs poursuivis par la collecte du permis de conduire et de la carte d’assurance maladie sont légitimes, importants, urgents et réels et que l’atteinte au droit à la vie privée que peut constituer cette collecte est proportionnelle à ces objectifs. Il existe d’autres moyens de confirmer la vérification de document démontrant le statut de résident au Québec. [43] En prenant une copie de la pièce fournie, l’organisme recueille beaucoup plus d’information que nécessaire, notamment la photographie du titulaire, sa date de naissance, sa signature, son numéro d’assurance sociale contenu sur certains documents, le numéro de carte de crédit, etc. [44] L’existence d’une norme d’audit ne permet pas de conclure qu’il est nécessaire, pour les commissions scolaires, de recueillir des pièces d’identité aux fins de détermination de la fréquentation scolaire avec ou sans frais de scolarité. [45] On comprend que les organismes veulent être en mesure de contrôler la vérification de cette exigence par leurs préposés. La signature de l’employé attestant avoir vu la pièce d’identité du participant ainsi que la signature du formulaire par ce dernier sont des mesures permettant de prouver que l’identité du participant a bien été vérifiée11. [48] La Commission ne retient pas la suggestion du MELS voulant qu’un parent ou un étudiant puisse consentir à ce qu’une photocopie de son permis de conduire soit faite, tout en noircissant les numéros. En effet, la règle de la nécessité de la collecte des renseignements personnels est impérative et un organisme ne peut y déroger, même avec le consentement de la personne concernée12. En effet, on ne peut déroger à la Loi sur l’accès qui est d’ordre public, et ce, même de consentement. [51] Cependant, considérant l’ampleur de la tâche et les ressources disponibles, la Commission croit que la destruction de ces documents peut se faire selon les délais prévus au calendrier de conservation des organismes visés. [52] Le MELS devra donc revoir son guide à la lumière de la présente décision. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION : [53] DÉCLARE la plainte fondée. [54] ORDONNE au MELS de modifier la directive contenue dans son guide afin de prévoir que seuls les renseignements personnels nécessaires aux attributions des organismes scolaires ne soient recueillis, plus particulièrement en ce qui a trait à la vérification du lieu de résidence des élèves. [55] ORDONNE à la CSC de cesser de recueillir des copies de la carte d’assurance maladie et du permis de conduire présentés pour valider le lieu de résidence d’un élève. Dernière modification : le 13 décembre 2017 à 15 h 42 min.