Extraits pertinents : [1] Mme Geneviève Biron (Mme Biron) demande à la Cour de condamner la Banque Royale du Canada [BRC] au paiement de dommages-intérêts aux termes des articles 14 et 16 de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, LC 2000, c 5 [Loi], suite à la communication d’informations relatives à ses relevés de carte de crédit. [2] Pour les raisons qui suivent, la demande de Mme Biron est accueillie. Faits [3] Mme Biron est détentrice d’une carte de crédit Visa émise par la BRC. Mme Biron est codétentrice de cette carte de crédit avec son conjoint, M. Sylvain Poirier (M. Poirier). [4] Dans l’instance de divorce entre M. Poirier et son ex-épouse, devant la Cour supérieure du Québec, district de Montréal, l’avocat de cette dernière, Me Miriam Grassby, assigne la BRC au moyen de quatre subpoenas duces tecum. Elle exige qu’un de ses représentants comparaisse et fournisse des documents relatifs aux comptes de M. Poirier. Parmi ces documents se trouvent les relevés de la carte de crédit détenue conjointement par Mme Biron et M. Poirier. [6] Le 11 février 2008, Mme Biron porte plainte à la BRC suite à la divulgation de ses renseignements personnels concernant le compte de carte de crédit. […] [8] Le 19 février 2008, Mme Iarusso écrit une lettre à Mme Biron lui expliquant que la BRC doit se conformer au subpoena duces tecum du 29 octobre 2007 et doit se présenter en Cour avec les documents demandés. Elle ajoute qu’elle a remis les documents aux procureurs des parties, le tout conformément à l’article 7 de la Loi. [9] Le 26 février 2008, Mme Biron écrit une seconde fois à la BRC, réitérant qu’elle s’objecte à la divulgation de ses renseignements personnels dans le cadre d’une instance de divorce opposant M. Poirier à son ex-épouse et affirmant que seul un tribunal est en mesure d’ordonner la communication de ses renseignements personnels. [10] Le 14 mars 2008, madame Julie Dupont de la BRC lui répond. Elle précise que la remise des documents les 4 décembre 2007 et 11 mars 2008 à la Cour supérieure était conforme à la Loi, en l’absence d’une contestation de sa part des subpoenas duces tecum. [11] Le 30 avril 2008, Mme Biron dépose une plainte à l’encontre de la BRC, auprès du Commissariat à la protection de la vie privée, alléguant que par ses actions, la banque viole son droit à la vie privée et à la protection de ses renseignements. [13] Le 8 avril 2009, la BRC reçoit une lettre de monsieur Hughes Simard, enquêteur au Commissariat à la protection de la vie privée du Canada, l’informant de la plainte déposée par Mme Biron aux termes de la Loi et demandant une réponse de la BRC. [14] Le 15 mai 2009, madame Kerry Lund, directrice de Privacy and Information Risk à la BRC, répond à Hughes Simard. Elle précise notamment que les documents contenant les informations de Mme Biron font l’objet de subpoenas duces tecum et que la BRC devait communiquer ces informations conformément aux alinéas 7(3) c) et 7(3) i) de la Loi et aux articles 280 et 284 du Code de procédure civile, LRQ, c C-25. [17] Le 14 février 2011, la BRC reçoit le rapport final du Commissariat, lequel conclut au bien-fondé de la plainte de Mme Biron, quant à la communication du 11 mars 2008, de ses informations confidentielles à Me Miriam Grassby, en réponse au second subpoena duces tecum. [18] Le 28 mars 2011, Mme Biron et M. Poirier mettent la BRC en demeure de leur verser un montant de 50 000 $ pour les dommages subis en raison de la communication des relevés de leur carte de crédit conjointe. Questions en litige Le rapport de la commissaire adjointe à la protection de la vie privée lie-t-il la Cour? La BRC a-t-elle contrevenu à la Loien communiquant les relevés du compte de carte de crédit détenue conjointement par Mme Biron et M. Poirier? Mme Biron a-t-elle droit à des dommages-intérêts aux termes de l’alinéa 16c) de la Loi? 1. Analyse Le rapport de la commissaire adjointe à la protection de la vie privée lie-t-il la Cour? [33] Le rapport de la commissaire adjointe à la protection de la vie privée ne lie pas la Cour. La Cour d’appel fédérale précise, au paragraphe 71 de l’arrêt Englander précité que « Le commissaire […] n'est pas un tribunal, et la [Loi] ne lui confère pas de pouvoir décisionnel. Le plus qu'il peut faire est de se former une opinion sur la question et de l'exprimer dans son rapport. Comme le rapport n'est pas une "décision", il ne peut entrer en conflit avec la décision d'un tribunal judiciaire ou administratif qui serait déclaré avoir compétence - exclusive, concurrente ou par chevauchement - pour trancher la question ». La Cour doit examiner la conduite de la BRC contre qui la plainte a été déposée (voir Girao précitée au para 23). Ainsi, puisqu’il s’agit d’un examen de novo des conclusions de la commissaire, la Cour n’est pas liée par le rapport du commissariat à la protection de la vie privée (voir également Randall au para 32 et Nammo au para 28 précitées). La BRC a-t-elle contrevenu à la Loien communiquant les relevés du compte de carte de crédit détenue conjointement par Mme Biron et M. Poirier? [36] En outre, même si on accepte la théorie de la BRC voulant que M. Poirier détenait un mandat à tout le moins tacite pour représenter Mme Biron et consentir à la divulgation de ses renseignements personnels, il s’est objecté à leur divulgation tel qu’il appert du formulaire du 20 février 2008 (voir la page 19 du dossier de la défenderesse) et des notes sténographiques prises lors de son interrogatoire hors Cour sur affidavit . (voir les pages 106, ligne 9 à 109, ligne 5). Ainsi, la Cour rejette l’argument de la BRC qui prétend que les alinéas 7(3) c)et i) de la Loi s’appliquent dans le cas de la divulgation du 11 mars 2008, puisqu’elle devait obtenir le consentement de Mme Biron aux termes des principes 4.3 et 4.5 de l’annexe 1 de la Loi. La Cour ne peut accepter la prétention de la BRC voulant que M. Poirier ait consenti verbalement à la divulgation des renseignements personnels de Mme Biron pour ensuite retirer ce même consentement le 11 mars 2008 parce que les éléments de preuve au dossier, les témoignages de Mme Biron et de M. Poirier sont contraires (voir le dossier de la défenderesse, transcription G. Biron, page 96, lignes 10 à 15 et page 97, lignes 5 à 15; et transcription S. Poirier, page 106, lignes 4 à 19). De plus, cette version des faits présentée par la représentante de la banque, Mme Carmen Bouchard, n’est soutenue par aucun autre élément de preuve. Il nous apparaît tout à fait improbable que M. Poirier, un avocat, consente à une divulgation sachant que sa conjointe s’y oppose et qu’elle avait déjà entrepris des démarches pour souligner son opposition à la BRC à cet égard. Mme Biron a-t-elle droit à des dommages-intérêts aux termes de l’alinéa 16c) de la Loi? [40] En l’instance, la Cour est d’avis, à la lumière des faits de l’affaire, que les dommages allégués par Mme Biron peuvent être liés à l’erreur de la BRC. La Cour estime de plus qu’elle doit tenir compte du fait que Mme Biron a demandé à la BRC de cesser de divulguer ses informations personnelles à deux reprises. La BRC contrevient à ses obligations aux termes du paragraphe 7(3) de la Loi en ne protégeant pas de façon adéquate les renseignements personnels d’une de ses clientes, une tierce partie non intéressée à l’instance de divorce entre M. Poirier et son ex-épouse. [41] D’autre part, Mme Biron demande des dommages punitifs au montant de 10 000 $. Toutefois, il n’y a aucun élément de preuve au dossier démontrant que la BRC a commis des actes si malveillants et inacceptables à l’endroit de Mme Biron, qu’il serait justifié d’octroyer des dommages punitifs. [42] Les seuls éléments de preuve présentés par Mme Biron, pour soutenir sa réclamation totale de 15 000 $ pour dommages, soit 5 000 $ pour troubles et inconvénients et 10 000 $ pour dommages moraux, se limitent aux démarches qu’elle a du entreprendre auprès du Commissaire à la protection de la vie privée, aux lettres adressées à la BRC, ainsi qu’au temps consacré à assister son conjoint pour assurer sa défense face aux allégations de son ex-épouse découlant de l’examen des dépenses effectuées par le truchement de la carte de crédit conjointe. [43] La Cour en arrive à la conclusion qu’étant donné que Mme Biron s’est objectée par deux fois à la divulgation de ses informations personnelles comme tierce partie à une instance de divorce, qu’elle a subi une humiliation aux termes de l’alinéa 16 c) de la Loi et que les dommages demandés par Mme Biron sont directement liés la faute de la BRC, la Cour fixe un montant de 2 500 $ avec intérêts et dépens, à être payé à Mme Biron par la BRC. VII. Conclusion [44] La Cour rejette la demande de Mme Biron de rendre une ordonnance pour forcer la BRC à modifier ses procédures, puisque la BRC a déjà informé ses employés de la mise à jour de ses procédures suite à ces évènements, tel qu’il appert du paragraphe 28 du rapport final du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada. Dernière modification : le 16 novembre 2017 à 17 h 23 min.