Extraits pertinents :

Contexte 

[4]               Le demandeur, A.T., réside à Calgary, en Alberta. Il est originaire de la Roumanie où il a encore de la famille. À sa demande, et après avoir examiné le principe de la publicité des débats judiciaires, la Cour a accepté de remplacer son nom par des initiales pour offrir une certaine protection de son identité. Son nom complet apparaît dans les documents judiciaires qui ont été signifiés aux défendeurs en l’espèce, mais n’apparaîtra pas dans la version publique en ligne de la présente décision.

[5]               Le défendeur Sebastian Radulescu est le seul propriétaire et exploitant de Globe24h.com, un site Web situé en Roumanie qui republie les documents publics d’un certain nombre de pays, notamment le Canada. Bien que Globe24h.com ait également été nommée en tant que défendeur dans la présente demande, aucune preuve au dossier n’indique que le site Web est une entité juridique distincte ou que toute autre personne que M. Radulescu contrôle le site Web. Je désignerai donc collectivement M. Radulescu et Globe24h.com sous défendeur.

[9]               Le défendeur exploite Globe24h.com à partir de Constanta, en Roumanie. Le serveur qui héberge le site Web se trouve également en Roumanie. Le CPVP a remis de nombreux éléments de preuve sur les activités du défendeur et les plaintes de citoyens et de résidents canadiens à l’égard de l’information divulguée sur le site Web du défendeur.

[10]           En juillet 2013, Globe24h.com a commencé à republier des décisions de cours et de tribunaux canadiens qui sont également accessibles à partir de sites Web juridiques canadiens comme CanLII.org. La différence entre ces autres sites et Globe24h.com est que le défendeur a permis que les décisions republiées sur son site Web soient indexées par des moteurs de recherche tiers comme Google. De plus, étant donné que les décisions figurant sur Globe24h.com sont indexées par des moteurs de recherche, une décision comportant le nom d’une personne apparaît généralement dans les résultats de recherche lorsque le nom de cette personne est recherché au moyen de ces moteurs de recherche.

[11]           Il convient de noter que le contenu des sites Web juridiques canadiens n’est généralement pas indexé et une personne qui demande ce genre de renseignements doit consulter directement chaque site et effectuer une recherche en indiquant le nom des parties, l’intitulé de la cause ou la référence de la décision pour obtenir le contenu.

[13]           Les plaignants ont affirmé que les décisions affichées sur Globe24h.com comportaient des renseignements personnels de nature délicate à leur sujet ou au sujet des membres de leur famille relativement à des questions personnelles comme des procédures de divorce, des questions d’immigration, des questions de santé et des faillites personnelles. Par exemple, l’une des plaintes concernait le contrôle judiciaire devant la Cour d’une décision de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié se rapportant à une personne séropositive parrainée par son époux aux fins de son admission au Canada. Parmi les plaintes déposées en preuve par le CPVP, il y a beaucoup d’autres exemples de renseignements personnels de nature très délicate traités dans les jugements et les décisions affichés sur Globe24h.com.

[15]           Les plaignants s’opposaient particulièrement au fait que le défendeur demandait un paiement pour la suppression des renseignements personnels du site Web. Les frais sollicités pour le faire variaient considérablement. En outre, si un paiement était fait pour la suppression d’une version de la décision, des paiements supplémentaires pouvaient être exigés pour la suppression d’autres versions de la même information. Cela comprenait, par exemple, la traduction de la même décision dans une instance de la Cour fédérale ou des décisions antérieures de la même affaire.

[18]           Les éléments de preuve mènent à la conclusion que le défendeur se livrait à un stratagème lucratif pour exploiter la publication en ligne des décisions de cours et de tribunaux canadiens comportant des renseignements personnels.

[20]           La LPRPDE définit le « renseignement personnel » de façon très générale à l’article 2 comme étant tout renseignement concernant un individu identifiable. Le demandeur craignait que les renseignements personnels figurant dans l’instance de relations de travail, facilement accessibles sur Google ou tout autre moteur de recherche en ligne, nuisent à ses perspectives d’emploi futures. Bien qu’il ne soit pas certain que cela soit arrivé, il croit que cela s’est produit dans au moins un cas où un éventuel employeur a décidé de ne pas lui faire d’offre.

[22]           Le 14 juin 2014, le demandeur a déposé une plainte contre Globe24h.com en vertu de la LPRPDE. L’enquête du commissaire, achevée en juin 2015, a permis de conclure que la plainte du demandeur était bien fondée. Le commissaire a informé le demandeur de son droit de porter sa cause devant la Cour en vertu de l’article 14 de la LPRPDE. Il l’a fait par avis de demande déposé le 27 juillet 2015. Un avis de demande modifié a été déposé le 28 août 2015.

[25]           Lors de l’audience, le demandeur a informé la Cour que lui et sa famille en Roumanie ont été victimes de menaces verbales depuis le dépôt de la plainte. Pour cette raison, et parce qu’il craint que la publication de cette décision porte à nouveau ses renseignements personnels à l’attention du public, le demandeur a demandé à la Cour d’ordonner que son identité soit protégée.

L'enquête du CPVP sur Glove24h.com

[29]           Le défendeur a reconnu avoir recueilli et republié des décisions 1) des sites Web des tribunaux judiciaires et administratifs, 2) du site Web de CanLII et 3) du site Web de la Société québécoise d’information juridique (SOQUIJ). Il a également reconnu avoir republié des décisions sans la connaissance et le consentement des personnes concernées ou des tribunaux et des cours et avoir permis que les décisions soient indexées par des moteurs de recherche. Cependant, il a déclaré que le consentement n’était pas requis parce que le but du site Web est exclusivement journalistique et que le contenu était déjà accessible au public.

[31]           En janvier 2014, le rédacteur de chef de CanLII a communiqué avec le défendeur afin de l’informer d’une interdiction de publication exigeant l’anonymat des parties, qui avait été ordonnée par le tribunal et visait une décision reproduite sur son site Web. Le site Globe24h.com a informé CanLII de la procédure à suivre pour demander la suppression du contenu et des frais applicables. En mai 2016, la décision figurait toujours sur le site Web du défendeur sous sa forme originale, et n’était pas conforme à l’interdiction de publication.

[32]           Tout au long de l’enquête de la CPVP, le défendeur a soutenu que le site Globe24h.com visait à [traduction] « diffuser de l’information à caractère public, particulièrement de l’information gouvernementale auprès d’un public plus large, à l’échelle internationale ».

[34]           Initialement, le défendeur a annoncé que les personnes visées devaient payer 19 euros pour une suppression « express » en 72 heures. Les personnes visées pouvaient également demander que leurs renseignements personnels soient supprimés gratuitement; toutefois, ce processus prenait 180 jours et il fallait jusqu’à un an pour que les renseignements soient retirés des index des moteurs de recherche. Au début de 2014, le défendeur a commencé à proposer une suppression plus rapide en douze heures qu’il facturait 120 euros. En mai 2014, la durée du processus de suppression sans frais était réduite à 15 jours. Toutefois, la demande devait être envoyée par la poste en Roumanie et devait comporter des renseignements tels que le nom et l’adresse du demandeur, une copie d’une pièce d’identité et une copie de la décision précisant les renseignements précis à supprimer. En revanche, pour le service de suppression payant, la personne visée n’avait qu’à envoyer un courriel mentionnant la décision et la modification était apportée quelques jours après le transfert du paiement.

[37]           Le CPVP a également découvert que le site Web du défendeur affichait des publicités à côté des décisions et vendait de l’espace aux annonceurs sur le site. Certaines de ces publicités semblent comporter des liens vers des sites pornographiques. Le 12 juin 2016, le défendeur a informé le commissaire qu’à compter du 10 juin 2016, il avait supprimé toute publicité du site Globe24h.com. Par conséquent, a‑t‑il affirmé, les activités du site Globe24h.com sont maintenant entièrement à but non lucratif et il ne tire aucun revenu du site Web.

[39]           Alors que l’enquête était en cours, le CPVP a demandé à M. Radulescu de supprimer du site Web les renseignements personnels des plaignants, à titre de mesure provisoire. Initialement, le défendeur a obtempéré et a indiqué qu’il avait supprimé des décisions les renseignements personnels des plaignants, même si les décisions demeuraient sur le site. Cependant, en novembre 2014, le défendeur a indiqué qu’il ne modifierait plus les décisions à la demande du CPVP et que les personnes devaient présenter à Globe24h.com un formulaire de demande accompagné de documents justificatifs.

Le rapport final de conclusions du CPVP

[41]           Le 5 juin 2015, le Commissariat a publié son rapport final de conclusions concernant les 27 plaintes sur lesquelles il a enquêté. On peut résumer les conclusions finales du CPVP comme suit :

  • Le site Globe24h.com est une organisation qui recueille, utilise et communique des renseignements personnels dans le cadre d’activités commerciales au sens de la LPRPDE;
  • La LPRPDE peut s’appliquer au site Globe24h.com en tant qu’organisation étrangère, car il existe un « lien réel et substantiel » entre les parties et les faits ayant donné lieu aux plaintes au Canada;
  • L’exception « à des fins journalistiques » prévue à l’alinéa 4(2)c) de la LPRPDE ne s’applique pas aux activités du défendeur dans la mesure où l’objectif sous-jacent du site Globe24h.com est de générer des revenus en incitant les personnes à payer pour la suppression de leurs renseignements personnels;
  • L’objectif sous-jacent du site Globe24h.com – qui consiste à rendre publiques les décisions des cours et des tribunaux canadiens par l’intermédiaire de moteurs de recherche, ce qui permet la divulgation fortuite de renseignements personnels de nature délicate – ne peut être considéré comme étant à des fins qu’une personne raisonnable estimerait acceptables dans les circonstances, en vertu du paragraphe 5(3) de la LPRPDE;
  • L’exception concernant un « renseignement réglementaire auquel le public a accès » ne s’applique pas aux activités du site parce que l’objectif de celui-ci, qui consiste à permettre que les décisions soient indexées par des moteurs de recherche couramment utilisés n’est pas « directement lié » aux fins pour lesquelles les renseignements personnels apparaissent dans le dossier ou le document. Par conséquent, les exceptions aux exigences en matière de connaissance et de consentement énoncées aux alinéas 7(1)d), 7(2)c.1) et 7(3)h.1) de la LPRPDE ne s’appliquent pas à la présente situation.

III. Mesures de redressement demandées 

[42]           Le demandeur sollicite les réparations suivantes :

  1. a)   une ordonnance en dommages‑intérêts, y compris des dommages‑intérêts généraux, punitifs, exemplaires et discrétionnaires, ainsi que des dommages pour l’humiliation et la détresse subies par le demandeur;
  2. b)   une ordonnance contraignant le défendeur à revoir ses pratiques de façon à respecter les articles 5 à 10 de la LPRPDE;
  3. c)   une ordonnance contraignant le défendeur à publier un avis énonçant les mesures prises ou envisagées pour corriger ses pratiques et se conformer à la LPRPDE;
  4. d)   une ordonnance d’injonction;
  5. e)   un jugement déclaratoire indiquant que le défendeur a enfreint la législation sur la protection des renseignements personnels;
  6. f)     une ordonnance enjoignant le défendeur à supprimer de son site Web et de ses serveurs l’ensemble des décisions des cours et des tribunaux qui sont reproduits et qui contiennent des renseignements personnels; et à supprimer les décisions des mémoires caches des moteurs de recherche;
  7. g)   une ordonnance déclarant que le défendeur est un plaideur quérulent;
  8. h)   l’adjudication des dépens, y compris notamment sur la base avocat‑client et sur la base d’une indemnisation intégrale.

[44]           Le CPVP a proposé la déclaration et les ordonnances suivantes : [traduction]

  1. Le défendeur, Sebastian Radulescu, a contrevenu à la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, LC 2000, c 5, par la collecte, l’utilisation et la divulgation sur son site Web, www.Globe24h.com (« Globe24h.com ») de renseignements personnels contenus dans des décisions de cours et de tribunaux canadiens, et ce, à des fins inappropriées et sans le consentement des personnes concernées;
  2. Le défendeur, Sebastian Radulescu, doit retirer de Globe24h.com toutes les décisions de cours et de tribunaux canadiens contenant des renseignements personnels et prendre les mesures nécessaires pour retirer ces décisions de la mémoire cache des moteurs de recherche;
  3. Le défendeur, Sebastian Radulescu, doit s’abstenir de copier et de republier de nouveau des décisions de cours et de tribunaux canadiens contenant des renseignements personnels d’une manière qui contrevient à la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques;
  4. Le défendeur, Sebastian Radulescu, doit verser au demandeur des dommages-intérêts totalisant XXXX; [aucun montant proposé].

V. Question en litige 

[46]           Après avoir examiné les questions soulevées par le demandeur et le commissaire, je les formulerais comme suit :

  1. La LPRPDE a-t-elle une portée extraterritoriale et celle-ci s’applique-t-elle au site Globe24h.com en tant qu’organisation étrangère?
  2. L’objectif du défendeur en ce qui concerne la collecte, l’utilisation et la publication des renseignements personnels est-il « acceptable » au sens duparagraphe 5(3) de la LPRPDE?
  3. L’exception de « l’accessibilité au public », selon le paragraphe 7 de la LPRPDE, s’applique‑t‑elle aux renseignements personnels reproduits sur Globe24h.com?
  4. Quelles réparations la Cour peut-elle accorder conformément au paragraphe 16 de la LPRPDE?

VI. Analyse 

[...]

D.                 Est-ce que l’objectif du défendeur dans sa collecte, son utilisation et sa publication des renseignements personnels est « approprié » selon le paragraphe 5(3) de la LPRPDE?

[73]           Le paragraphe 5(3) énonce qu’une organisation « ne peut recueillir, utiliser ou communiquer des renseignements personnels qu’à des fins qu’une personne raisonnable estimerait acceptables dans les circonstances. » Cela doit aussi être interprété à la lumière de l’objectif sous-jacent de la partie 1 de la LPRPDE, au paragraphe 3.

[74]           Afin de déterminer si une organisation respecte le paragraphe 5(3) de la LPRPDE, par le passé, la Cour a déjà cherché à savoir si 1) la collecte, l’utilisation ou la publication de renseignements personnels étaient dirigés vers un véritable intérêt commercial et 2) si la perte de confidentialité était proportionnelle aux avantages obtenus Turner c Telus Communications Inc, 2005 CF 1601 (CanLII)[2005] ACF no 1981, au paragraphe 48, conf. par 2007 CAF 21 (CanLII).

[75]           Je suis d’accord avec l’opinion du CPVP selon laquelle aucune personne raisonnable ne considérerait que le défendeur a un véritable intérêt commercial. En présentant cet argument, le Commissaire s’appuie sur le Modèle de politique sur l’accès aux archives judiciaires au Canada (Modèle de politique) du Conseil canadien de la magistrature (CCM) et sur le propre document d’orientation du CPVP en ce qui concerne les tribunaux administratifs fédéraux. Le Modèle de politique du CCM décourage l’indexation des décisions publiées en ligne, car il empêche l’accès à l’information lorsque l’objectif de la recherche ne consiste pas à trouver des dossiers de cour. Le Modèle de politique reconnaît qu’il faut trouver un équilibre entre le principe de la transparence de la justice et l’accès en ligne accru aux dossiers judiciaires où la vie privée et la sécurité des participants aux procédures judiciaires feront l’objet de débats.

[76]           Le CCM a trouvé un équilibre en conseillant aux tribunaux d’empêcher la découverte involontaire des jugements au moyen des moteurs de recherche. À cette fin, le CCM a recommandé que les jugements publiés en ligne ne soient pas indexés par les moteurs de recherche. Le CPVP fait remarquer que CanLII et d’autres sites Web sur les cours et les tribunaux suivent généralement le Modèle de politique du CCM et empêchent que leurs décisions soient indexées par des moteurs de recherche grâce à des protocoles d’exclusion des robots informatiques et d’autres moyens. En effet, la Cour fédérale a pris des mesures pour empêcher l’indexation des décisions de la Cour. Cela n’interdit pas à quiconque de visiter le site Web de la Cour fédérale et de faire une recherche par nom des parties. Mais cela empêche de tomber sur une liste de cas dans une recherche générale par mots clés. Les gestes du défendeur entraînent, par le biais des moteurs de recherche, une visibilité inutile des renseignements personnels confidentiels des participants au système de justice.

E.                  Est-ce que l’exception de « l’accessibilité au public », selon le paragraphe 7 de la LPRPDE, s’applique aux renseignements personnels reproduits sur Globe24h.com?

[79]           De l’avis de la Cour, il n’existe aucun fondement raisonnable permettant au défendeur de s’appuyer sur l’exception de « l’accessibilité au public » selon le paragraphe 7 de la LPRPDE.

F.                  Quelles réparations la Cour peut-elle accorder conformément au paragraphe 16 de la LPRPDE?

(2)               Jugement déclaratoire

[87]           Le CPVP estime qu’en vertu de l’article 16 de la LPRPDE, le demandeur peut solliciter un jugement déclaratoire étant donné que les réparations accordées sont explicitement « en sus de toute autre réparation [que la Cour] accorde. »

[91]           Dans l’arrêt Englander c. Telus Communications Inc, 2004 CAF 387 (CanLII)[2004] ACF no 1935 [Englander], la Cour d’appel fédérale a conclu que l’intimée, Telus Communications Inc, avait enfreint l’article 5 de la LPRPDE. La Cour a fait remarquer que l’appelant, M. Englander, n’avait pas été touché personnellement par l’infraction commise par l’intimée. Toutefois, parce que la commission d’une infraction continue à la LPRPDE avait été établie, la Cour était disposée à émettre une ordonnance « de nature prospective » exigeant de l’intimée de changer ses pratiques de manière à ce qu’elles soient conformes à la LPRPDE : Englander, précité, au paragraphe 90

[93]           En outre, compte tenu du statut quasi constitutionnel de la LPRPDE, le Commissariat considère que l’on peut trouver de l’orientation dans des arrêts relatifs à des réparations qui peuvent être accordées en vertu de la Charte canadienne des droits et liberté, constituant la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, Annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, c 11 (R‑U), LRC, 1985, Appendice II, no 44 [la Charte].

[96]           La demande d’une réparation systémique dans la présente affaire est justifiée, car la preuve démontre que les effets des actions du défendeur ne sont pas confinés au seul demandeur nommé dans la requête. Au total, le CPVP a reçu 49 plaintes liées au site Globe24h.com. En outre, la preuve par affidavit déposée par le Commissariat montre que CanLII a reçu plus de 150 plaintes concernant des renseignements personnels trouvés sur Globe24h.com. Par conséquent, je suis d’accord pour dire que les circonstances de cette affaire justifient une ordonnance de mesure corrective élaborée en termes généraux, conformément à l’alinéa 16a) de la LPRPDE.

G.                 Dommages-intérêts

[100]      Je souscris à l’argument du CPVP portant que l’infraction du défendeur est grave, parce que celui-ci a fait essentiellement un commerce de l’exploitation de la vie privée de personnes dans un but lucratif. Dans au moins un cas, le défendeur a refusé de retirer des renseignements qui sont assujettis à une interdiction de publication au Canada.

[101]      La preuve démontre que la divulgation contestée a été importante. Le défendeur effectuait des téléchargements en vrac de décisions de cours et de tribunaux canadiens, republiait ces décisions sur Globe24h.com et rendait les renseignements personnels en question accessibles sur Internet en permettant que les décisions soient indexées par des moteurs de recherche, notamment les noms de parties et d’autres personnes mentionnées dans les décisions. Les actions du défendeur ont violé les droits au respect de la vie privée accordés aux personnes, y compris au demandeur dans la présente affaire, sans le consentement des personnes concernées.

[102]      L’article 16 de la LPRPDE ne donne aucune indication quant au montant des dommages-intérêts qui peuvent être accordés. Dans l’arrêt Nammo, précité, un montant de 5 000 $ a servi à indemniser pour une « grave violation concernant des renseignements de nature financière d’une grande importance sur le plan personnel et professionnel ». Dans l’arrêt Girao c. Zarek Taylor Grossman, Hanrahan LLP, 2011 CF 1070 (CanLII)[2011] ACF no 1310, j’ai accordé 1 500 $ en dommages-intérêts en prenant en compte l’incidence de l’infraction sur le demandeur, qui avait fait valoir une souffrance morale, le comportement du défendeur tant avant qu’après l’infraction, et la question de savoir si le défendeur avait tiré profit de l’infraction. Dans l’affaire en question, seule l’incidence de l’infraction avait été un facteur important, étant donné que le défendeur n’avait obtenu aucun avantage matériel et avait agi promptement pour corriger la situation.

[103]      Dans la présente affaire, je suis persuadé que l’octroi de dommages-intérêts serait approprié, compte tenu principalement du comportement du défendeur. Il est clair, d’après le dossier, que le défendeur a tiré un profit commercial de l’infraction par une publicité ciblée et en exigeant des frais pour le retrait des renseignements personnels de personnes figurant dans les décisions. Le défendeur a également agi de mauvaise foi en n’assumant pas sa responsabilité et en omettant de corriger la situation. Dans ces circonstances, je considère que l’octroi d’un montant de 5 000 $ en dommages-intérêts serait appropriée.

VII.           Dépens

[104]      Le CPVP n’a pas demandé l’adjudication des dépens. Étant donné que le demandeur s’est représenté lui-même, il a droit uniquement au remboursement des dépenses engagées. Puisqu’il a éprouvé certaines difficultés à rassembler tous ses reçus, je pense qu’une modeste somme de 300 $ couvrirait probablement toutes ces dépenses.

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1.   Il est déclaré que le défendeur, Sebastian Radulescu, a contrevenu à la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, LC 2000, c 5, par la collecte, l’utilisation et la divulgation sur son site Web, www.Globe24h.com (« Globe24h.com ») de renseignements personnels contenus dans des décisions de cours et de tribunaux canadiens, et ce, à des fins inappropriées et sans le consentement des personnes concernées;
  2.   Le défendeur, Sebastian Radulescu, doit retirer de Globe24h.com toutes les décisions de cours et de tribunaux canadiens contenant des renseignements personnels et prendre les mesures nécessaires pour retirer ces décisions de la mémoire cache des moteurs de recherche;
  3.   Le défendeur, Sebastian Radulescu, doit s’abstenir de copier et republier encore des décisions de cours et de tribunaux canadiens contenant des renseignements personnels d’une manière qui contrevient à la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, L.C. 2000, ch. 5.
  4. a)   Le défendeur, Sebastian Radulescu, doit verser au demandeur des dommages-intérêts totalisant 5 000 $;
  5. b)   Le montant des dépens accordé au demandeur est de 300 $.
  6. c)   L’intitulé de l’affaire est modifié en remplaçant le nom du demandeur par les initiales « A.T. ».


Dernière modification : le 6 janvier 2018 à 14 h 46 min.